Noce blanche
14 septembre 2015 - GaysyNo Comment   //   1409 Views   //   N°: 68

La nouvelle se propage vite ! Toutes les lèvres de la communauté gay de Tana ne parlent que de ce Gay Garden Party. Non seulement c’est une grande première à Mada en ce début des années quatre-vingtdix, mais surtout, c’est uniquement sur invitation. Sur le carton stylé que j’ai reçu, l’annonce « Noce blanche… Prévoyez des cadeaux ! » me laisse perplexe.

Le jour J, j’opte pour le style cubain : un bermuda et une chemise en lin blanc, des sandales en vieux cuir, un panama et un cigare aux lèvres. Les petits détails de décoration disposés soigneusement depuis l’entrée du parc où va se dérouler la soirée augmentent le suspens et me laissent penser qu’il s’agit là d’une organisation en grande pompe. Un grand écriteau en papier Antaimoro, avec deux initiales argentées, surplombe l’entrée, soutenu par deux colonnes métalliques qui portent chacune un joli bouquet et un grand noeud blanc à la ceinture. De longs rubans blancs tressés relient chaque tronc d’arbre de part et d’autre de l’allée du parc jusqu’au parking où l’on doit se garer.

Les éclairages sont parfaitement orientés pour faire ressortir le côté immaculé des nappes par rapport au vert de la pelouse. De grandes colonnes blanches délimitent une surface surélevée au fond jardin, inspirée de la Rome antique. Les tenues du personnel de service soulignent cette nostalgie romaine. Les centaines de convives vêtus en blanc affichent leur élégance et attendent impatiemment la suite des événements.

À un moment, deux processions blanches, diamétralement opposées l’une de l’autre, avancent doucement pour rejoindre les hautes colonnes. Un vieil homme, barbe blanche et toge assortie, s’extrait du parterre de convives pour les rejoindre. À la tête de chaque file, de jeunes hommes en salaka blanc exhibent leur torse d’athlète et entament la douce mélodie d’une marche nuptiale avec leurs flûtes. Ils sont suivis par des silhouettes féminines en robe longue blanche parsemant des pétales de fleur au passage du couple derrière elles.

Dans le groupe de gauche, l’homme porte des ailes blanches et une couronne en plume, accompagnée par une femme aux allures fières ; dans celui de droite, un guerrier en armure argentée avec une autre dame au port de tête de reine. Les deux dames ont chacune leur style, avec une élégance irréprochable dans leurs tenues. Leur captivante chorégraphie se termine au point de mettre les deux hommes côte à côte devant le vieil homme barbu, et le reste du cortège bien positionné, pour donner une certaine symétrie à ce tableau vivant.

« Noce blanche ! Entre fiction et réalité, une occasion que Nirina et Marti, ici présents, veulent pour immortaliser leur amour et vous avoir comme témoins ce soir. Alors Marti, acceptes-tu de prendre comme époux Nirina ici présent et veiller sur lui jusqu’à ce que la mort vous sépare ? », lance-t-il à haute voix.
«  je le veux », répond l’un des jeunes hommes.

Le vieillard reformule la même phrase pour Nirina qui rétorque d’un « oui je le veux ! » enjoué. Ensuite, les deux femmes s’approchent et font sortir chacune une boîte contenant les alliances. Les deux hommes se posent mutuellement leurs bagues, tandis que les silhouettes féminines font virevolter leur robe tout en lançant des pétales dans tous les sens.
« Pour l’amour du ciel, nous vous déclarons mariés ! », termine-t-il sur un ton sec.
Les deux hommes échangent un léger baiser, sous les applaudissements de l’assistance qui crie : « Vive les mariés ! »

Ils entament ensuite une autre chorégraphie. Les airs des flûtes se suivent et ne se ressemblent pas. Tantôt ils traînent comme la mer, tantôt ils soupirent comme le vent du midi, tantôt ils haletèrent comme une bouche amoureuse. Les boissons coulent à flot et chacun des plats est dressé avec soin. Chaque convive s’approche à tour de rôle rejoindre le jeune couple, les bras chargés de paquets, pour présenter leurs voeux. Les uns prennent tout ça au grand sérieux, tandis que les autres semblent jouer leurs rôles pour donner un côté ludique à la cérémonie.

Ce fut un moment exceptionnel et mémorable pour chaque invité. Et nos voeux semblent toujours opérer parce que vingt et cinq ans plus tard, ils filent encore le parfait amour ! 

par #Von

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