Masianaka : Le repas de la sirène
30 décembre 2012 - EscalesNo Comment   //   6384 Views   //   N°: 35

Entre Farafangana et Fort Dauphin, tous les quatre ans, une vaste fête honore les origines du peuple Masianaka, descendant des amours tumultueuses entre un pêcheur et une sirène. 

Il y a bien longtemps, dans le petit village de Masianaka, coincé entre une vaste lagune et un fleuve encore plus grand, loin vers le Sud, vivait un grand jeune homme aux yeux sombres.
Il s’appelait Rahofo.
Certains racontent qu’il descendait de voyageurs arabes, venus de La Mecque par la mer. Comme son père et son grand-père aussi, il était pécheur : ils péchaient les bichiques dans la mer, les anguilles dans la lagune, les tilapias, les tondro gazy et les marakely dans la rivière.
Un jour de grand vent, une fille des eaux aux longs cheveux se prit dans ses filets.
Ils tombèrent fous d’amour. Rakembarano, l’ondine, quitta la mer pour rejoindre Rahofo dans son village. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le couple, usé par le temps, finit par se déchirer. La sirène un soir de violente dispute, s’enfuit avec ses enfants et plonge avec eux dans les eaux sombres du fleuve.
Mais ne devient pas sirène qui veut : l’un de ses fils manque d’air, remonte à la surface, suffoquant et retourne chez son père.
Survivant de ces amours magiques, il est aujourd’hui considéré comme l’ancêtre de la tribu des Masianakas.
Sa mère, la tempétueuse Rakembarano, serait toujours en vie, réfugiée sous un rocher isolé du fleuve. 

Tous les quatre ans, à la fin du mois d’août, une cérémonie rituelle, le soroba masianaka, rend hommage à la sirène génitrice et rappelle la légende du peuplement de cette région au sud de Vangaindrano.
Un vaste festin rassemble alors des centaines de personnes venues célébrer la sorobazazavavindrano, la « fille des eaux », ondine ou sirène, considérée non comme un génie maléfique qui envoûte les hommes, mais comme le lien entre le naturel et le surnaturel, entre les hommes et l’au-delà.

Pendant trois jours, sous l’oeil bienveillant du roi Masianaka Manoa, descendant direct de Rahofo, on mange du riz, sur et avec des feuilles, on boit, on chante, on danse et on s’affronte dans des courses de pirogues ou des matches de foot.
Et surtout on nourrit la sirène : après un rituel au pied d’un arbre sacré, deux jeunes gens forts et choisis pour leur nom harmonieux, déposent sur son rocher le soroba, un plat préparé à son intention, composé de vary sosoa et de poisson.
Des traditions vivantes pour des origines mythiques, loin des débats de savants sur les origines du peuplement malgache. 

Bénédicte #BerthonDumurgier
Photos : Pierrot Men

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