Marais de Laniera : La route de la discorde
6 octobre 2016 - Archives Grand AngleNo Comment   //   3730 Views   //   N°: 81

La nouvelle route qui traverse les marais de Laniera, à l’est de l’aéroport international d’Ivato, devrait être bientôt inaugurée. Une prouesse technologique estiment certains, vu la rapidité d’exécution. Un véritable scandale, clament les centaines de riverains qui se sont vu déposséder de leurs terres.

C’est à Andrianampoinimerina, connu pour son génie bâtisseur, qu’on doit ce système de drainage des eaux pluviales qui correspond aux marais de Laniera. Techniquement, un marais est une zone de basse terre inondée durant les saisons humides ou les marées hautes mais qui reste gorgée d’eau le reste de l’année. Les marais de Laniera sont ainsi le point le plus bas de la capitale qui leur doit de ne pas se retrouver sous les eaux en été, en même temps qu’ils fertilisent de leur limon les rizières en aval.

La vieille route qui descend vers les marais est plutôt agréable, mais pas en voiture. Jour et nuit des poids lourds et bulldozers la sillonnent s’affairant à la construction d’une voie parallèle. Cela ne semble pas déranger les habitants outre mesure. Malgré le banc qui vibre au passage des engins, le propriétaire d’une gargote et ses habitués semblent heureux de cette nouvelle route, signe tangible du développement tant attendu.

Cependant, quelques kilomètres plus loin, c’est un tout autre scénario avec ces banderoles de protestation imprimées en lettres rouges au mur du bureau de l’association des agriculteurs. Elles émanent de plus de 300 familles (six personnes par foyer en moyenne) qui se trouvent gravement lésées par tout ce chantier. La route devant être achevée pour novembre, tout a été fait dans la plus grande hâte, au risque de pas mal d’erreurs et d’irrégularités.

Noro est effondrée : « J’ai concédé les deux tiers de ma terre pour la construction de cette route, mais une fois que mes rizières ont été enterrées sous deux mètres de gravats, ils ont décidé d’abandonner ce tronçon pour un autre. » Ce qu’elle ne savait pas en outre, c’est qu’en donnant généreusement sa terre, elle a perdu tout droit dessus ! En effet, les parcelles concédées par les riverains ont été depuis vendues – mais à qui ? nul ne le sait.

« Des parcelles de 10 hectares ont été vendues tout le long de la route par une entité inconnue et étrangère », affirme M. Ravalitera, membre de la commission de la propriété foncière de l’association Laniera Secteur 12. Même constat désespéré pour Jean-Pierre, le président de l’association Laniera secteur 12 : « Ma famille cultive cette terre depuis plus de cinquante ans et aujourd’hui nous n’avons plus rien. Comment a-t-on pu vendre une terre qui est à nous légalement ? »

M. Ravalitera a beau faire valoir qu’avec la nouvelle route, on pourra ouvrir de nouveaux commerces pour alimenter la capitale en poissons, crevettes, riz et légumes, la colère est palpable. Jusqu’à ce jour, le tribunal refuse de délivrer les noms des acheteurs de ces lopins et de ceux qui ont autorisé leur vente. En ce qui concerne Noro, l’entreprise de construction n’a pas encore reconnu son erreur et aujourd’hui elle se demande de quoi demain sera fait.

La nouvelle route sera inaugurée prochainement. Certains rentreront chez eux plus riches, d’autres n’auront plus rien.

Textes et photos : #ZanakynyLalana

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