Malanjaona Rakotomalala : Petit dico de la sexualité merina
2 février 2015 - TraditionsNo Comment   //   6339 Views   //   N°: 61

Les Merina sont réputés pour être très pudiques quand il s’agit de parler de la « chose ».
Une idée reçue que l’anthropologue Malanjaona Rakotomalala fait voler en éclats en publiant un dictionnaire de plus de mille mots et expressions évoquant le sexe dans les hautes terres centrales. 

Qui a dit que les Merina ne parlaient jamais de sexe ?
Certes, ils sont réservés, pudiques et ne se font pas remarquer par un sens appuyé de la gaudriole.
Mais cela ne signifie pas que le sexe et la sexualité sont absents de leurs pensées, et encore moins de leur vocabulaire.
Pour preuve, ces 1 033 termes et vocables présentés par ordre alphabétique que rapporte dans sa magistrale étude Mots et expressions merina sur la sexualité (Hautes terres centrales de Madagascar), Malanjaona Rakotomalala , anthropologue et enseignant à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris. 

« Personne ne semble s’attendre à ce phénomène de la part du groupe considéré comme le plus prude et le plus christianisé de Madagascar », fait innocemment remarquer l’auteur dans la préface.

L’article est paru en 2010 dans la revue Études Océan Indien, dans le cadre d’un numéro spécial sur l’amour et la sexualité dans les îles de l’océan Indien, mais c’est en fait le complément d’une thèse parue en 1996 sous le titre Contribution à une anthropologie de la sexualité merina. Autant dire que l’auteur connaît son affaire !

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander)
On retrouve donc ici les termes les plus allusivement sexuels – comme angoty (câlin) pour évoquer les préliminaires – ou les plus directs, comme kindy (sexe de la femme), qui se dit ndiky en verlan malgache, encore que l’expression argotique la plus branchée, apparue vers 2005, soit mofo (pain), nous précise l’auteur.

On apprend aussi que l’expression kindy vy (vulve de fer), utilisée par les jeunes, désigne une femme qui a de nombreux amants, abrégée quelquefois, en milieu urbain, en KDV.
Bref, une mine d’informations pour décoder la sexualité des hautes terres telle qu’on la parle aujourd’hui, aussi bien dans la rue que dans les rizières.
Le tout sans l’ombre d’une intention grivoise, car l’auteur reste d’abord un anthropologue dont le but ultime est de poser « la sexualité en tant que matériau pour l’élaboration d’un discours sur la société, la vie et la conception de l’être humain. »

Le dictionnaire recèle des mots très anciens, dont certains ne sont plus en usage comme vôm-mbonga, (testicules, littéralement « noix des bourses »), mais aussi des expressions très actuelles comme seleksion, malgachisation du mot français sélection, qui sert à désigner une partouze.
« Les mots et expressions ayant une relation explicite avec la sexualité ne sont pas nombreux.
La liste est fortement gonflée par des mots et expressions qui, à première vue, n’ont pas de contenu sexuel, mais qui peuvent subir une tournure particulière pour les plonger dans un contexte sexuel », fait remarquer Malanjaona Rakotomalala. 

Malanjaona Rakotomalala, « Mots et expressions merina sur la sexualité (Hautes Terres centrales de Madagascar) »
Études Océan indien, n° 45, 2010, pp.149-231.

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