Lova tsy mifindra : Histoires de familles
29 juin 2016 - TraditionsNo Comment   //   4120 Views   //   N°: 78

La terre a toujours été le bien le plus précieux pour les anciens Malgaches. Aussi, lorsqu’il s’agissait de la léguer, une pratique matrimoniale très particulière s’imposait : le « Lova tsy mifindra ». Combien tu m’aimes ? 

Les mariages entre membres d’une même famille étaient une coutume assez commune chez les Ntaolo (anciens), cela au sein de toutes les couches sociales. Avant le XIIe siècle, l’habitat était disparate, isolé et composé d’un nombre restreint d’individus. Il était alors tout à fait normal que pour avoir des héritiers, on se mariât entre gens d’une même lignée. Ensuite, à mesure que des territoires étaient conquis, il y eut beaucoup plus de possibilités d’alliances entre membres de différents groupes, tout en mettant un point d’honneur à ce que l’héritage restât dans la famille. D’où l’origine du Lova tsy mifindra que l’ethnologue français Paul Ottino, dans son livre Les champs de l’ancestralité à Madagascar : parenté, alliance et patrimoine, traduit par « mariage endogame patrimonial », autrement dit une stratégie à l’intérieur de la famille large afin de conserver le patrimoine, généralement des terres ou du bétail.

Pour l’historien Roland Rakotovao : « C’était un très bon moyen de garder le patrimoine mais aussi l’identité du groupe. Par exemple s’il s’agissait de musiciens, le savoir-faire restait dans la famille. » Par la suite, avec l’instauration du Fanjakana, le chef du clan n’est plus l’homme le plus âgé ni le plus expérimenté, mais l’homme le plus fort. Par conséquent, le Lova tsymifindra devient le moyen de préserver et de transmettre le pouvoir.

« Le pouvoir était héréditaire. Cependant, la succession se faisait par les femmes car les hommes étaient polygames et les conflits d’héritage pouvaient être très importants », explique l’historien.

À noter qu’on ne choisissait pas n’importe quelle femme pour régler la succession. Pour les souverains Merina, la référence était toujours la mère d’Andrianampoinimerina (1745-1810), autrement dit Ranavalonaandriambelomasina la bien nommée. Elle était la soeur d’Andriambelomasina, un illustre roi d’Ambohimanga, mort en 1770, et c’est à travers elle que rois et reines à partir de Ranavalona Ire (1788 ? -1861) accédèrent au trône. En ce qui concerne les interdits, les cousins germains issus de deux frères ou de deux soeurs ne pouvaient pas se marier entre eux, l’idéal était les cousins germains issus d’un frère et d’une soeur. Ce fut le cas des cousins germains issus de l’oncle et de la mère d’Andrianampoinimerina.

Impossible de parler de Lova tsy mifindra sans mentionner Ambohimalaza. Ce lieu, situé à une quinzaine de kilomètres d’Antananarivo est célèbre pour pratiquer, encore aujourd’hui, cette tradition ! Elle remonte à Andriantompokoindrindra, fils-aîné de Ralambo (1575-1612), qui selon la légende ne put hériter du trône de l’Imerina car il était parti jouer dans les prés au moment où la succession se décidait ! C’est son frère cadet Andrianjaka qui obtint le pouvoir, mais le père promit à son aîné qui se retrouva « affecté » à Ambohimalaza, que toutes les femmes des futurs rois viendraient de cette localité…

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