Lökömotiva : Train d’enfer
5 avril 2017 - CulturesNo Comment   //   1987 Views   //   N°: 87

Pionnier du « metal gasy » des années 1980, Lökömotiva est de nouveau sur ses rails après pas mal années sur la voie de garage. La mécanique est intacte. Les guitares, la voix et la rythmique toujours aussi déjantées. Du heavy metal comme on n’espérait plus pouvoir en écouter.

Cheveux longs, perfectos, santiags en peau de serpent, ils incarnent l’image-type des hardos des années 80. Des durs à cuire autant que durs en cuir. Brutaux, taillés à la tronçonneuse, flirtant avec les décibels comme King Kong avec les gratte-ciel (c’est une image). Il faut dire que Lökömotiva, fondé en 1983, n’est rien moins que le premier groupe de heavy metal à Mada, ou quasi. Aujourd’hui, avec le recul, on parle de « true metal », de vrai metal, car apparemment il y a eu pas mal de groupes bidons qui se sont réclamés et se réclament toujours du genre. Un peu comme ces chanteurs de variétés qui se sont faits passer pour des punks malgaches il y a peu ; la barre qu’a dû se payer Iggy si jamais il les a vus !

Eh bien dans le metal, c’est pareil. C’est saturé de tout un bric-à-brac de trucs qu’on se demande vraiment ce que ça vient foutre là-dedans : le metal symphonique, le metal atmosphérique ! Et pourquoi pas le metal accordéon, le metal biniou, le metal miaou ? C’est l’époque qui veut ça : création à zéro, énergie dans les chaussettes, tout dans l’imitation ! Plus l’assemblage est grotesque plus ça a de chances de plaire ! Même le hip hop a l’air plus hard à côté, c’est dire !

Le remède ? Un bon coup de « Manonofy ratsy » (Cauchemar) dans les oreilles, signé Lökömotiva. De « Jiolahin-tsambo » (Pirates). Tout de suite on se sent mieux, et ça a plus de 30 ans d’âge. Du bon gros metal qui te défonce la tronche à coups de riffs d’enclume, larsens plein la gueule, avalanche de fûts de tous les côtés, gueulements de psychotique barré dans les aigus. Tout ça rien que pour toi, petit zombi synthétique des années 2010 !

Mao au chant, Eric Daveson à la basse (masse bourdonnante à la Steeve Harris), Gary et Ravonona aux grattes, Rindra à la batterie… cette loco-là a sans doute été ce que Madagascar a imaginé de plus efficace en terme de trains à grande vitesse. On comprend, en passant, que Lökömotiva ait reçu en 1998 le titre de « Meilleur groupe de l’année » par Stone Press, l’association des animateurs rock et journalistes métaleux.

Ce qui ne l’empêchera pas de prendre la voie de garage en 2000. « Sans qu’il y ait eu dissolution », rappelle Mao. Juste la déferlante des metal bâtards et des plus metal du tout dont on a parlé plus haut. Une autre génération en somme. La loco ravale ses turbines mais ne rend pas l’âme, prête à être remise sur ses rails dès que l’opportunité se présentera. Juste une question de temps. Une mise en veilleuse de pas mal d’années puisque c’est en 2014 seulement que sort l’inespéré « Lökömotiva mpivahiny » (Une locomotive qui ne fait que passer), en fait la toute première galette du groupe, ponctué de toute une série de concerts à travers l’île. La vieille garde des metalheads déjà quadragénaire en est comme électrisée et toute heureuse de ressortir ses tatouages et ses gilets de cuir dans les concerts en plein air ! Et la tronche du fiston nourri à la nu soul quand il voit papa en cuir de loubard se fracassser la tignasse au son de « Temptation » !

« C’est sûr qu’on a nos fidèles, qui nous suivront jusqu’au bout », confie Eric Daveson. « Ce qu’ils veulent c’est de l’énergie sans chichis, pas de ces trucs qui sentent la boîte à rythmes. La réalité c’est que le heavy est intemporel. Comme le blues. Tout ce qui sort de la tripe est intemporel » Un train qu’il s’agirait de ne pas manquer si vous voulez survivre à cette époque de modes si ringardes.

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