Lettres de Lémurie : La peau noire des anges
10 janvier 2017 - CulturesNo Comment   //   2136 Views   //   N°: 84

Yves-Marie Clément, La peau noire des anges,
roman pour adolescents, Editions Le Muscadier, octobre 2016, 188 pages.

«… Il y a un autre monde dehors qui est à nous aussi »
Harlem, Eddy Harris.

Les éditions Le Muscadier publient dans la collection « Rester vivant » des nouvelles et romans qui parlent du monde d’aujourd’hui, avec l’ambition d’éveiller le sens critique des lecteurs adolescents. Elles nous donnent aujourd’hui à découvrir La peau noire des anges. En couverture, une fille qui semble une jeune Mahoraise, en bord de lagon, et dans le ciel, un avion. Tout est annoncé ou presque, puisque, en effet, l’héroïne de l’histoire commence son périple à Mayotte, où elle finira par revenir au terme d’un voyage mouvementé qui la portera à Madagascar, à Beyrouth, et même jusqu’à Fécamp (Normandie), d’où l’auteur est originaire.

On va suivre donc les errances d’Angelina, née à Mahajanga, arrivée clandestinement jusqu’à Mayotte avec son petit frère, lors d’une traversée qui coûte la vie à ses parents. « Madame Ichati était une Mahoraise. Elle était née ici, de père mahorais et de mère mahoraise. Elle avait ses papiers depuis son premier cri, c’est-à-dire depuis le jour de sa naissance. C’est elle qui avait recueilli Angelina et Célestin après le naufrage.

Au village, on disait que les parents de ces deux jeunes Malgaches étaient morts dans la vague. Mais Angelina ne l’avait jamais cru. Ça murmurait au fond d’elle-même qu’ils étaient toujours vivants…c’était un grondement dans son ventre. »

A l’âge de treize ans, Angelina va laisser son petit frère derrière elle et surgissent les menaces que l’on imagine aisément même si aucune finalement ne tourne au drame. Elle parvient à éviter la prostitution, et ses employeurs libanais sont plutôt corrects, ce qui épargne à l’histoire de sombrer dans le pathos attendu. Alors pourquoi chercher à revenir si vite ? Sans doute parce qu’elle est partie très jeune, comme sur un coup de tête… « Une voix chantait dans sa tête, c’était celle de sa mère : « Tu verras, ma chérie. Un jour, on ira vivre là-bas. En France. Tu verras. On sera heureux ! Tu n’aurais jamais dû partir, Angelina. Tu étais si bien à Mayotte, avec ton petit frère Tu as écouté ces marchands de malheur ! M. Rakoto et les autres. Tu étais beaucoup trop jeune pour ce genre d’aventure. » Finalement Mayotte semble douce, puisque Angelina y retrouve son frère et quelques perspectives de survie.

Beaucoup de problématiques actuelles sont abordées dans l’ouvrage : le péril des kwassa kwassa, les émigrations économiques, l’esclavage domestique. Les jeunes lecteurs pourront se faire une représentation des périls qui guettent l’adolescente orpheline, mais ces dangers sont chaque fois à peine entrevus que déjà un nouveau risque se présente : à tous les évoquer aucun ne s’incarne vraiment. Heureusement, les personnages secondaires sont souvent bienveillants, et font planer finalement sur le livre l’aura annoncée par le titre.

Yves-Marie Clément, écrivain voyageur, a publié près de 90 ouvrages, essentiellement pour les jeunes, et situés souvent dans des territoires qui l’ont accueilli, notamment en Guyane française.

Il a séjourné durant quatre ans à Mayotte et a fait de nombreux passages sur la Grande Île. Il est aussi passionné de sports de combat, et si son héroïne ne pratique aucun d’eux, elle fait montre d’une détermination sans faille, notamment quand il s’agit de changer de cap. Un roman à la lecture fluide, avec à la fin un petit lexique pour s’immerger plus facilement dans les cultures lémuriennes.

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