Lettres de Lémurie
16 mars 2017 - CulturesNo Comment   //   1553 Views   //   N°: 86

« …Il y a un autre monde dehors qui est à nous aussi » Harlem, Eddy Harris

Salon du livre Comores océan Indien – Du lundi 13 au samedi 18 mars 2017

L’Union des Comores organise son premier Salon du livre et lui donne d’emblée une coloration régionale. Selon son Président, « il s’agit de promouvoir la création littéraire, d’œuvrer pour le rayonnement international de la littérature comorienne, de faire découvrir les littératures de l’océan Indien, de contribuer à créer une plateforme d’échanges entre les auteurs et les acteurs de la région et d’aider à la définition d’une politique nationale du livre ».

A part les auteurs comoriens comme Saindoune Ben Ali, Nassuf Djailani ou autres Nassur Attoumani, on pourra y rencontrer sans exhaustivité Shenaz Patel de l’île Maurice, Carpanin Marimoutou de La Réunion ou encore votre serviteur. L’invitée d’honneur sera Ananda Devi, déjà présentée ici pour son recueil de nouvelles L’ambassadeur triste (Gallimard, 2015).

Davantage connue pour ses romans (dernières parutions Le Sari vert, 2009 – Les hommes qui me parlent, 2011 – Les Jours vivants, 2013), la figure de proue de la littérature mauricienne viendra au Salon présenter notamment un recueil de poèmes et un livre pour enfants.

Ananda DEVI (textes) / Jean-Marc LACAZE (encres), Les chiens noirs, album d’art tout-carton, éditions Dodo vole, Antananarivo, 2017.

Si dans la plupart des livres illustrés, pour présenter une histoire, on fait appel à un illustrateur, chez Dodo vole, c’est l’inverse : on veut surtout montrer des œuvres plastiques et un auteur accompagne les choix par des textes littéraires sinon poétiques. Ainsi, pour cet album, les encres de l’artiste réunionnais Jean-Marc Lacaze sont accompagnées par un poème, sombre et beau comme à son habitude, d’Ananda Devi.

Les chiens noirs, de ceux qui errent et quémandent nos regards, nous interpellent, petits et grands. D’aucuns se demanderont, « est-ce un livre pour enfants ? » Les éditions Dodo vole montrent qu’elles sont de ceux qui veulent faire bouger les lignes en proposant cet ouvrage sobre et éclatant de sincérité. Doit-on ne mettre entre les petites mains que des ouvrages clairs et riants ? Ne doit-on pas aussi provoquer des chocs, des rencontres improbables ? Les enfants ne sont-ils pas les plus à-même d’entendre le poème ? En tous cas, Ananda Devi et Jean-Marc Lacaze offrent un hommage dérangeant et puissant aux errants, aux marginaux, aux réfugiés, à tous les chiens noirs.

Ananda Devi, Ceux du large, recueil de poèmes, collection L’autre langue, éditions Bruno Doucey, Paris, 2017, 88p.

Après un premier recueil confié à Bruno Doucey, en 2012, Quand la nuit consent à me parler, Ananda récidive. Avec Ceux du large, on retrouve les mêmes préoccupations que dans le Dodo tout-carton ci-dessous. Dès les premiers vers du recueil : « Dans des barques de feuilles mortes / Ils portent à bout de fatigue / Les enfants de leur faim », jusque dans le dernier poème : « Ceux que la vie éventre / De son coutelas ». Entre ces deux poèmes, elle suit l’errance des réfugiés, de tous ces êtres qui ont fui la terre où ils vivaient pour tenter d’atteindre une autre rive. Malgré la « terreur de l’eau », malgré la mort en embuscade. L’auteure s’est donnée la peine d’écrire ce texte en trois langues – français, anglais, créole – comme pour se prouver à elle-même qu’elle n’est pas restée « tête baissée bras ballants » devant « le film catastrophe » qui se déroule sous nos yeux.

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