Les 26 juin du désamour
3 juin 2015 - FombaNo Comment   //   1945 Views   //   N°: 65

26 juin, c’est la fête nationale à Madagascar, et comme ailleurs, censée être la fête anniversaire de la nation. Censée, car il ne faut pas être hypocrite. Puisque, le 26 juin, tout le monde pense plus à faire la fête et oublie un peu, beaucoup – totalement – la nation. 

Le sacré se perd. Et les fêtes nationales avec, partout dans le monde. La preuve ? Elles se ressemblent toutes. Les seules différences résident dans l’ampleur festive et quelques touches de couleur locale. Mais, il ne faut pas se leurrer. Et s’attendre à une déferlante hystérie de patriotisme déchaîné. Car, rien n’échappe aux ravages du temps. Au fil des ans, des siècles et des millénaires, les grands idéaux s’estompent et les empires disparaissent. Même les civilisations et la culture. La culture est ce qui reste quand tout est oublié, énonçait magnifiquement le philosophe Alain (1868-1951). Le patriotisme se transforme en lieu commun politicien, en chauvinisme intéressé ou en nationalisme obtus quand le monde se transmue peu à peu en village global. Les références ancestrales deviennent des attrapenigauds des discours de propagande, et le respect pointilleux des coutumes, sert à affirmer dans les mascarades des prestations officielles, des valeurs auxquelles beaucoup ne croient plus.

26 juin ? Les citoyens se contentent des souhaits de rigueur auxquels personne ne porte plus aucun crédit d’efficacité. A Madagascar, les projets d’avenir sont réservés au jour de l’an sous les lambris du palais d’État. C’est la grand’messe dont tout un chacun attend qu’en sortent les remèdes-miracles. Ailleurs pourtant, c’est le jour de la fête nationale, lors du raout du sérail, que le chef de l’État explique aux citoyens l’état du pays, par journalistes interposés. Ce sont les grandes querelles de l’heure qui en forment le soubassement ou les promesses d’un avenir meilleur, d’un take off imminent à coups de chiffres et de langue de bois de haute tenue, qui n’intéresseront que les spécialistes de la chose politique et économique. Le citoyen lambda lui, n’y prêtera qu’une attention distraite.

En ville, les boniments ou les discours politiques leur sortent des yeux et leur passent par-dessus la tête. Voilà pourquoi la fête nationale n’en est pas vraiment une, n’assume vraiment ses fonctions et ne s’apprécie que dans les campagnes ou les fins fonds. Quand on voyage la nuit, on aperçoit souvent au loin, de toutes petites lumières, une dizaine voire moins, qui se déplacent. Ce sont les lampions des enfants d’un petit village perdu qui chassent les esprits mauvais d’une nouvelle année qui démarre. Le lendemain, tout le monde se félicite d’être toujours vivant et d’avoir été « rattrapé » par la fête. C’est une pratique qui ne relève pas de la politique, elle relève d’une tradition immémoriale, la célébration d’un nouveau cycle porteur d’espoir. C’est ce vécu transmis par la chaîne des valeurs ancestrales qui sacralise la fête nationale dans les campagnes. Et non la politique.

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