Lanto Rahajarizafy : « Changer notre regard sur la diaspora »
7 avril 2017 - ÉcoNo Comment   //   4866 Views   //   N°: 87

Mise en place en 2015, la Direction de la diaspora a comme objectif de promouvoir la participation des Malgaches de l’extérieur au développement socio-économique du pays. Selon Lanto Rahajarizafy, directeur de la diaspora au Ministère des Affaires étrangères, il est temps de changer notre regard sur cette diaspora dont les membres sont encore trop souvent perçus comme des « déserteurs », des « donneurs de leçons » ou des « lâches »…

« La diaspora malgache a transféré 439 millions de dollars en 2016 »

Dans quelle mesure la diaspora constitue-t-elle un levier de développement pour Madagascar ?
Elle se caractérise par sa dispersion à travers le monde mais aussi par le lien qu’elle entretient avec son pays d’origine, malgré la distance. A l’instar des autres diasporas, celle de Madagascar (malagasy ampielezana) garde son pays au cœur. Elle contribue au développement de plusieurs manières, et souvent discrètement. Si nous prenons l’estimation de la Banque mondiale, les transferts de fonds de la diaspora vers Madagascar en 2016 se sont élevés à 439 millions de dollars américains. Cela n’est pas négligeable. Mais sa contribution ne se limite pas à l’argent. Elle se fait aussi à travers l’investissement direct, la promotion de Madagascar dans le pays d’accueil, les actions solidaires des associations, le transfert de compétences, la participation au débat démocratique sur les réseaux sociaux, pour ne citer que ceux-là.

N’y a-t-il pas déjà les ambassades et consulats pour fédérer cette diaspora ?
Leur principale mission est d’assurer la protection des intérêts des ressortissants malgaches.

Celle de la Direction de la diaspora est plus spécifiquement axée sur le développement socio-économique du pays. Sa mise en place, la première du genre à Madagascar, fait suite à l’appel du président de la République en 2014 pour la participation de tous les Malgaches à la reconstruction et au développement du pays, y compris ceux de l’extérieur. C’est aussi la prise de conscience du gouvernement sur le rôle que la diaspora a à jouer dans le développement du pays. D’où cette entité appelée Direction générale de la promotion économique et de la diaspora. C’est la première fois que la mobilisation de la diaspora est inscrite, d’une manière expresse, dans le Plan national de développement avec un cadre institutionnel dédié.

A combien s’élève cette diaspora à travers le monde ?
Elle est estimée à 200 000. Nous ne disposons pas encore d’informations statistiques précises. Le peu de données disponibles auprès de nos réseaux

consulaires indique une majorité d’étudiants. Mais il faut aussi noter que ce sont les étudiants qui sont les plus enclins à s’immatriculer au niveau des ambassades et des consulats. Ceux qui ne sont pas immatriculés ne sont donc pas comptabilisés. Cette absence de données fiables, due au fait que les recensements sont encore très difficiles à réaliser, nous a conduits à mener une étude sur le profil de la diaspora en France en 2016. Selon cette étude, nous avons plus de cadres, des personnes exerçant des professions intellectuelles et libérales que d’étudiants en France.

Quels sont les pays où l’on recense le plus d’immigrés malgaches ?
Sans surprise, la France arrive en première position avec une estimation de 100 000 à 140 000 Malgaches, y compris ceux détenteurs de la double nationalité. Les liens historiques entre les deux pays expliquent cela. Aujourd’hui, cette diaspora est surtout motivée par la poursuite d’études supérieures et le regroupement familial. Elle est nettement féminine (63 %) avec une concentration marquée en région Ile de France (37 %) et une répartition équilibrée dans les autres régions. L’insertion en France est plutôt réussie : niveau d’études supérieur à la moyenne française et un taux de chômage inférieur à celui des autres immigrés en France.

Cette diaspora garde des liens forts avec le pays avec un volume de transferts financiers estimé à 86 millions d’euros chaque année. Enfin, l’étude a permis de constater cette volonté très majoritairement partagée (87 % des personnes interrogées) de participer au développement du pays, que ce soit dans les domaines de l’éducation, santé, promotion de la bonne gouvernance ou investissement dans les secteurs de l’immobilier et du tourisme.

Comment amener cette diaspora à encore davantage s’impliquer au niveau national ?
Parmi les projets phares du ministère des Affaires étrangères pour cette année, il y a l’élaboration d’une politique nationale pour l’engagement de la diaspora avec des mesures incitatives pour promouvoir sa participation au développement du pays. La mise en place du comité interministériel qui va y travailler, est en cours. Nous travaillons notamment sur la mise en relation des associations de la diaspora avec les acteurs locaux, l’appui aux actions des associations et entrepreneurs de la diaspora, l’amélioration des services offerts aux ressortissants à l’extérieur ou encore la protection et l’assistance aux ressortissants en situation de détresse. Sur ce dernier point, le ministère des Affaires étrangères a pu rapatrier 50 travailleuses migrantes victimes de maltraitance et ceci avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations.

Un mot sur le Forum de la diaspora qui se tiendra à Antananarivo cette année ?
Ce premier forum est prévu pour octobre 2017. Il entre dans le cadre de cette consultation continue de la diaspora que nous préconisons. Nous invitons les Malgaches de l’extérieur à participer activement à toutes les consultations qui se feront via nos représentations diplomatiques et la page Facebook du ministère des Affaires étrangères. Les questions qui intéressent la diaspora y seront discutées, comme le droit de vote, la sécurisation foncière, l’investissement…

Propos recueillis par #AinaZoRaberanto

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