La géographie au bout des pieds
26 août 2012 - FombaNo Comment   //   776 Views   //   N°: 31

Ils sont îliens, certes, mais les Malgaches ne sont pas totalement nuls en géographie, bien au contraire. Tout au plus, ils peuvent confondre pays et villes. Ils retiennent Argentine au lieu de Buenos Aires, Barcelone au lieu de Portugal ou Italie au lieu Turin. Ils ne connaissent ni Rio de Janeiro ni Sao Paulo.

Quelles sont les principales villes du monde ? Elles ne situeront pas aux États-Unis, ni en Asie, ni en Inde, ni en Chine, les pays les plus peuplés du monde. Ce ne sera donc ni New York, ni Shanghai, ni Tokyo ni Bombay. Le Malgache de 10 à 60 ans vous citera imperturbablement Madrid, Chelsea, Munich, Manchester, Barcelone ou Marseille, quoique cette dernière, comme d’autres, ait perdu un peu de son aura sous les outrages du temps, des championnats, des relégations ou des scandales.

Vous l’avez deviné, les Malgaches ont appris la géographie sur le globe de la planète football. Et ils y sont incollables, même avec un gros péché d’exclusion. 

L’Amérique d’Obama, le Japon, la Russie, la Chine ou les richissimes émirats du pétrole se perdent en queue de peloton, voire ne méritent aucune attention particulière. La proximité, la solidarité continentale ou une longue histoire footballistique commune sauvent l’Afrique de l’indifférence. La Côte d’Ivoire, le Sénégal ou l’Égypte sont des pays connus sur le planisphère local.

Après la folie du Mondial, la Ligue des champions alimente les échanges sur les bancs des jardins publics, au bar et partout où plus de deux Malgaches mâles et de bonne constitution se retrouvent ensemble. Les analyses sont celles de vrais pros du ballon rond. Le Réal ou le Barçà ? Les fans ne tarissent pas de commentaires. Chaque joueur est passé au crible comme pour le choix des chevaux du PMU que l’on va jouer pendant quinze jours. Ils les connaissent tous, mais il y a des noms qui ont disparu des mémoires. Beckenbauer ou Platini sont devenues des vieilleries historiques.

La passion enflamme les compères, mais ils ne poussent pas jusqu’à en venir aux mains. À Madagascar, le foot n’est qu’un jeu. Le hooliganisme ne fait pas partie des moeurs. On ne s’étripe pas quand tout se joue dans un fauteuil et devant la télévision. Le petit écran a rendu les Malgaches encore plus accros des stades et de leurs dieux, mais leur a fait perdre le goût du terrain. Il n’y a plus que la jeunesse des banlieues pour faire perdurer dans les mémoires que Madagascar a figuré parmi les pays les plus prometteurs dans l’art de jouer au foot. La Saint-Michel tenait la dragée haute aux Égyptiens et une certaine défaite dans les années 1970 a été un deuil national. L’As Corps enseignant de Toliara avait bénéficié d’une aura continentale, comme l’AC Sotema de Mahajanga.

On regrette cet âge d’or, mais on ne perd pas espoir quand tous les week-ends, toute la jeunesse de n’importe quel village du pays occupe les rizières de l’après-récolte pour sacrifier aux rites du dieu Foot. Peu importent les maillots ou les shorts dépareillés, les godasses rafistolées ou les ballons à l’article de la mort. L’essentiel est de jouer, même si la géographie ne mène pas sur le toit du monde. 

Par Mamy Nohatrarivo

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