En plein hiatus pour réfléchir à la manière de renouveler sa pratique photographique, en réponse à ses ressentis personnels et aux questions soulevées par l’arrivée de l’intelligence artificielle, Joany Paoly a accepté de signer la couverture de No Comment.
« Je n’ai pris aucune photo cette année, même pas lors d’événements familiaux », assume Joany Paoly, photographe. Lui, il est imperméable aux injonctions à produire en perpétuité. Autoproclamé « lent », il s’est offert non pas une mais deux années sabbatiques, convaincu que l’appui sur le déclencheur n’est qu’une étape d’un processus plus vaste : celui de l’acte photographique.

Le temps de réflexion, pour lui, occupe la plus grande part. Ce moment de recherche avant même de saisir son appareil a toujours façonné son évolution. Ses travaux portent sur l’espace, le temps et la lumière, des thèmes qu’il explore au gré de ses humeurs et des saisons, avec une hyperactivité notable en avril. Depuis ses débuts au club photo du CGM en 2010 jusqu’à aujourd’hui, en passant par un atelier à Hakanto Contemporary en 2021, il poursuit la même quête : capturer la lumière idéale, fugace et insaisissable. Au fil du temps, il est ainsi passé de compositions conceptuelles en noir et blanc à des images plus abstraites, mais en couleur.
Cette fois-ci, de nouveaux éléments s’ajoutent à ses recherches : l’isolement des individus dans le monde post-Covid, ses ressentis personnels, et surtout, la grande question du moment, celle de l’intelligence artificielle. « L’IA nécessite réflexion. Peut-être qu’il y aura un label de certification humaine, comme il existe déjà des labels bio. Pour continuer à être photographe en sa présence, je dois la dépasser », dit-il avec fermeté.
Alors, Joany Paoly privilégie désormais une approche plus pluridisciplinaire. Sans révéler davantage les nouvelles compétences qu’il a acquises cette année pour nourrir sa pratique photographique, il évoque aussi son envie de revenir à l’argentique, plutôt qu’à la photographie numérique, afin de retrouver ce « toucher » que l’IA ne peut pas encore reproduire. Sur les photos elles-mêmes, il préfère le grain aux images trop polies.
Il en résulte des photographies qui récompensent une attention prolongée. Pour Joany Paoly, c’est le spectateur qui complète la photo. « Pour une photo commerciale, les dix premières secondes sont cruciales. Pour les miennes, c’est l’inverse : on peut ne rien y comprendre pendant un an puis, lentement, certains détails apparaissent. La photo est une invitation à un dialogue entre le spectateur, ses ressentis et ses souvenirs, plutôt qu’une finalité en elle-même », explique-t-il, tel un grand enseignant.
Bien que retiré avec ses photos pour un temps indéterminé, Joany Paoly reste attentif au milieu artistique à Antananarivo. Il salue les nouvelles opportunités offertes aux artistes, mais rappelle l’importance de rester intègre à son art. « Ces institutions nous poussent souvent à courir, alors que chacun a son propre processus créatif. Il faut aussi plus de travail qu’avant, car les artistes s’influencent mutuellement dans ces milieux. Il faut donc pousser sa recherche plus loin pour éviter les similarités », suggère le photographe.
Mpihary Razafindrabezandrina
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