Jean-David Naudet (AFD) : « Un enjeu de solidarité »
1 juin 2015 - ÉcoNo Comment   //   2982 Views   //   N°: 65

A 58 ans, il représente depuis deux ans l’Agence française de développement (AFD) à Madagascar, l’un des bailleurs de fonds les plus investis dans la Grande Ile. Sa fonction : faire bouger les choses en finançant de préférence des projets de proximité à finalité sociale. 

Quels sont les objectifs de l’AFD dans la Grande Ile ?
L’AFD travaille dans 70 pays à travers le monde mais Madagascar fait partie des 16 pays prioritaires. Nous sommes en même temps une entreprise publique française et un établissement financier. De ce fait, nous finançons des projets de développement public en partenariat avec l’Etat, aussi bien que privé. Nous octroyons aussi des garanties pour les banques. Sans oublier les ONG que nous finançons. Nous sommes plus enclins à financer des projets avec des objectifs sociaux, dans des secteurs que nous priorisons comme l’agriculture, la formation professionnelle ou l’éducation. Nous sommes en contact permanent avec les ministères de tutelle de ces secteurs. En ce qui concerne les entreprises privées et les ONG, il peut arriver qu’elles nous soumettent directement leurs demandes.

Quels sont vos intérêts à Madagascar ?
Il n’y a pas à proprement parler d’intérêts pour l’AFD, si ce n’est l’enjeu de solidarité entre nos deux pays. N’oublions pas que l’AFD est un instrument de la politique française et que Madagascar et la France ont un passé commun. Il est important d’avoir de bonnes relations diplomatiques et amicales. Je constate bien souvent la singularité de ce pays. Les problèmes sont considérables et il faut s’y atteler sur la durée. J’ai aussi remarqué un décalage entre le secteur privé et le secteur public. Le premier est plutôt dynamique et le second n’arrive pas toujours à suivre.

Quel est le projet le plus important que vous financez en ce moment ?
Le projet Lalankely en collaboration avec l’Agetipa (Agence d’exécution des travaux d’intérêt public et d’aménagement) va entrer dans sa deuxième phase pour laquelle nous allons engager cinq millions d’euros. La première phase a été financée à raison de neuf millions d’euros. Il s’agit principalement de travaux de voirie, de ruelles, de bornes-fontaines, de lavoirs et d’assainissement primaire. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère d’État en charge des Projets présidentiels, de l’aménagement du territoire et de l’équipement ainsi qu’avec 13 communes. Ce projet a été initié pendant la Transition avec des objectifs très sociaux.

Quelles sont les conditions pour l’octroi d’un financement ?
En général, ce sont plutôt des conditions techniques. Par exemple, pour une demande de financement d’école d’informatique dans le cadre de la formation professionnelle, il faut qu’il y ait déjà un terrain, un bail de 20 ans, etc. Sur de plus gros financements avec l’État, ça reste toujours des conditions purement techniques et non politiques. Quand on nous soumet un projet, on donne notre avis, il peut arriver qu’on modifie des choses. Il est clair qu’on ne finance pas tout ce qu’on nous demande, on choisit. On est plus tourné vers les projets avec des impacts sociaux importants comme le projet Lalankely plutôt que de financer un projet immobilier pour la classe moyenne, par exemple.

Comment se passe le suivi des projets que vous financez ?
Nous nous entretenons régulièrement avec les chefs de projets. Il y a bien évidemment des rapports de projets à la fin. Certes, tous ne sont pas des réussites, il y a un vrai problème de durabilité, notamment au niveau de l’entretien des infrastructures. Il y a aussi des difficultés à maintenir le personnel.

Quel est selon vous, le vrai problème de Madagascar ?
La situation des finances publiques est extrêmement tendue à Madagascar. Les incertitudes sont élevées, il faut tenir compte des conditions naturelles. Et bien sûr, les crises politiques nuisent aux résultats des projets. Madagascar peut s’en sortir sans les aides mais il faut une dynamique positive. Le financement ne serait-ce qu’au niveau des infrastructures va prendre quelques années. Quand on réclame plus d’argent à un bailleur de fonds, par exemple de passer de 10 millions d’euros à 20 millions, c’est très difficile. Par contre, si le chef de projet dit qu’il va faire le projet en deux ans au lieu de quatre ans, et donc qu’il va aller deux fois plus vite, alors il peut doubler le montant mobilisé.

Propos recueillis par #DinaRamaromandray

Carte de visite
« Je suis à l’Agence française de développement depuis 2003. Economiste de formation, j’ai commencé ma carrière en tant que chercheur, puis je me suis occupé du service d’évaluation pendant six ans. Ensuite, je suis passé à l’opérationnel proprement dit. Je suis arrivé à Madagascar un peu par hasard. A la base, ce devait être un collègue à moi qui aurait dû être nommé, mais comme il est tombé malade la veille de son voyage, j’ai pris sa place et depuis deux ans, je suis le directeur de l’AFD à Madagascar. Avant cela, j’avais beaucoup voyagé en Afrique, en Asie, sur le continent américain, pour des organismes des Nations Unies ou pour l’Ambassade de France. »

L’AFD en chiffres
Pour la période 2014-2018, l’AFD octroiera en moyenne 700 millions d’euros par an au bénéfice du secteur de l’eau et de l’assainissement dans les États étrangers, et 50 millions d’euros dans les pays d’outre-mer.
Au moins 250 millions d’euros des engagements contribueront à l’adaptation au changement climatique.
80 % des projets comprendront un volet de renforcement des capacités et 50 % des projets prévoiront un volet sensibilisation à l’hygiène financé par l’AFD ou par un partenaire. 50 % des projets devraient avoir un impact positif sur le genre. Enfin, plus de 50 % des engagements bénéficieront de cofinancements.

Les résultats escomptés :
1,5 million de personnes par an gagnant un accès pérenne à un service d’eau potable ;
1 million de personnes gagnant accès à l’assainissement ;
4 millions de personnes dont le système d’eau potable est amélioré ;
1,5 million de personnes dont le système d’assainissement est amélioré. 

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