Jacques Rombi : Journaliste et écrivain
5 décembre 2011 - MédiasNo Comment   //   2086 Views   //   N°: 23

Correspondant pour Madagascar du magazine économique « Mémento », installé dans la région depuis 25 ans, Jacques Rombi se définit lui-même comme un journaliste bourlingueur. Ses coups de coeurs autant que ses coups de gueule sont à méditer.

« De la mer Méditerranée à l’océan Indien », c’est le titre d’un de vos livres et un bon résumé de votre itinéraire …
C’est vrai, je viens de Marseille, une ville qui a toujours été ouverte sur l’extérieur, la Méditerranée et au-delà l’Afrique, une ville où l’on attrape forcément le goût des voyages. Tout petit, sur la Canebière, j’aimais écouter les marins raconter leurs histoires de partance, et c’est sans doute ce qui m’a donné envie de bourlinguer. Les romans de Jack London y sont aussi pour quelque chose… L’océan Indien, c’est un peu le hasard qui en a décidé. En 1985, quand j’ai eu l’opportunité de poursuivre mes études de socio hors de la métropole, j’ai eu le choix entre les Antilles et La Réunion. Finalement, j’ai choisi l’océan Indien, ça me parlait plus. Une région que je n’ai plus quittée.

Madagascar ?
C’a été tout de suite le coup de foudre. Un pays qui m’a toujours attiré par sa mosaïque humaine et culturelle. Je lui ai d’ailleurs consacré mon mémoire de maîtrise, spécialité anthropologie, qui portait sur le rôle du zébu chez les Antandroy. Un travail que j’ai présenté à l’Université d’Aix Marseille en 1987.

Je regrette de ne pas avoir poussé mes études jusqu’au doctorat, mais dans le fond, le journalisme me convient : on est à notre façon des observateurs du social, même si l’on n’a pas l’espace d’une thèse pour s’exprimer. C’est un métier qui me permet de concilier enquêtes sur le terrain et d’affiner ma passion pour l’écriture.

Journaliste bourlingueur ?
(Rires) Oui, le métier m’éclate bien. J’ai des tas de dossiers à fouiller, je découvre des trucs tous les jours, j’adore ça. Je ne parlerais pas de vocation, j’y suis arrivé par un concours de circonstances et toujours dans l’optique de me fixer à La Réunion. Après mes études, j’ai fait toutes sortes de boulots dans l’édition et la pub, mais c’est la presse qui m’a le plus attiré. J’ai d’abord collaboré à un magazine spécialisé dans l’architecture et la construction, pour le compte de la Direction de l’équipement, puis contribué au lancement de l’hebdomadaire Télé Mag, avant de passer secrétaire de rédaction pour le quotidien Le Réunionnais du groupe Apavou. C’est là, dans cette fonction d’homme orchestre de la rédaction,

que j’ai vraiment fait mes armes, appris à travailler vite sous la pression de l’actualité.

Rien ne vous destine encore au journalisme économique, votre spécialité actuelle…
Comme toujours dans la vie, il y a le jeu des rencontres. Moi, par nature, je ne planifie rien. En 1992, je crée avec mon ami Alain Foulon, la société Archipel Communication qui va d’abord éditer Griff Magazine, historiquement le premier magazine de mode et de loisirs à La Réunion, même s’il n’a guère duré. Puis en 1993, c’est le lancement d’un magazine économique promis lui à un meilleur avenir, l’Eco austral, dont je suis partenaire dès le départ. Je vais notamment développer le titre à La Réunion et Madagascar, avant de m’installer à Mayotte, en 2000, pour y créer une filiale. Je vais y demeurer cinq ans, le temps de m’immerger dans cette société mahoraise qui est l’un des grands coups de coeur de ma vie. Tout ça est raconté dans les Carnets de route que je publie au début des années 2000, l’un dédié à Mayotte, l’autre à la diaspora comorienne. Des carnets d’atmosphère, sortes de vagabondages où je me sers également de la photographie, sans me prendre évidemment pour un Pierrot Men. En 2005, avec ma femme et ma fille, nous bougeons sur La Réunion puis Marseille, histoire de nous ressourcer tout en travaillant. Puis le hasard d’un marché que je prends avec l’Unesco me ramène à Madagascar pour deux mois qui deviendront cinq années aujourd’hui. Malheureusement, ma collaboration à l’Eco austral tourne court et j’éprouve alors le besoin de passer à autre chose, tout en conservant mon acquis dans la presse économique.

L’aventure « Mémento » commence…
En 2007, je suis contacté par Georges Guillaume Louapre-Pottier, directeur de la publication, qui me propose de devenir son correspondant exclusif sur Madagascar, Mayotte et Comores. Un challenge particulièrement intéressant car Le Mémento, avec son tirage de 30 000 exemplaires, est la première revue économique francophone de l’océan Indien et de l’Outre-Mer. Créé en 1970 par Catherine Louapre-Pottier, il bénéficie d’une plus large diffusion, touchant en fait l’ensemble des îles francophones, depuis les Antilles jusqu’à la Nouvelle-Calédonie. Depuis plus d’un an, Le Mémento arrose également le marché français métropolitain, Paris et Marseille en particulier. C’est un magazine qui vise tous les décideurs, du secteur privé comme du secteur public, mais qui en même temps ne craint pas d’être généraliste dans ses approches, ne négligeant ni les PME, ni les artisans ni les ONG. Ce en quoi il intéresse aussi beaucoup les étudiants. Pour moi, c’est évidement un boulot énorme, puisque j’écris pratiquement tous les articles des zones que je couvre.

Sans parler de votre activité au sein de l’Agence de presse de l’océan Indien (Apoi)…
J’ai créé cette agence de presse sur Internet, basée à Tana, il y a trois ans. C’est un quotidien d’informations en ligne de l’océan Indien qui fait le point sur quatre îles à la fois. En quelques clics, on a des infos du jour concernant Maurice, la Réunion, Madagascar et Mayotte. Ce n’est pas un site économique : on y parle de tout, peut-être un peu moins de sports et de faits divers, car j’estime que les quotidiens locaux le font très bien. Comme pour toute agence de presse, on peut y acheter des articles clés en main, mais aussi des photos et des livres puisque nous sommes également éditeur, à travers Studiopresse.

Pas de problèmes particuliers pour faire passer l’information ?
Aucun, j’ai le sentiment que la presse se porte plutôt bien à Madagascar. On peut y travailler en toute liberté, ce qui n’a pas toujours été le cas dans un passé pas si lointain. Personnellement, comme journaliste économique, je tiens surtout à donner une image positive de Madagascar, en montrant aux investisseurs potentiels que c’est un pays où l’on bosse, où l’on a des idées, voire du génie, bref un pays qui avance. Evidemment, il a ses dysfonctionnements et ses pièges à éviter, et je ne me prive pas de les signaler. Lourdeurs administratives, corruption, insécurité… si je n’en parlais pas, j’aurais le sentiment de ne pas faire mon métier. Actuellement, je suis très remonté contre la circulation anarchique à Tana. C’est une maladresse typique de ce pays et qui empêche tout le monde de fonctionner correctement. Mais ce pays, il faut aussi apprendre à le connaître. Pour s’y sentir bien, il faut aimer l’aventure, la découverte, la diversité. En ce qui me concerne, cela fait vingt-cinq ans que ça dure…

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