Geneviève Marot : « Tout en me posant comme témoin »
5 janvier 2016 - Cultures LivresNo Comment   //   2589 Views   //   N°: 72

Elle vient de sortir sa première bande dessinée « Sous le tamarinier de Betioky » (Editions La Boîte à bulles) qui raconte l’histoire de l’accordéoniste Jean Piso, originaire de Betioky, à 150 km au sud-est de Toliara. Une BD sous forme de carnet, « une forme graphique qui me donne une sensation de mise en vie », explique-t-elle 

Pourquoi Betioky ?
Ces six dernières années, mes pas m’ont menée à plusieurs reprises à Madagascar. Je m’y suis imprégnée d’images, de découvertes et de rencontres. J’en ai rapporté des dessins, des tableaux, des histoires avec l’envie de les partager, que ce soit en France ou à Madagascar. Au départ, j’avais songé à les raconter sous forme de BD autobiographique. Puis lors de moments passés avec Jean Piso, le fameux accordéoniste de Toliara, il m’a raconté par bribes des anecdotes très vivantes de son enfance, qui m’ont à la fois émue, fait rire et titillé ma curiosité. 

C’est ainsi que j’ai décidé de parler de Madagascar à travers les yeux d’un petit garçon du Sud dans les années Soixante. Je joue dans ce livre sur l’espace-temps : en représentant Jean Piso aujourd’hui dans des pages de transition tout en me mettant moi-même en scène. J’ancre le récit dans le réel tout en me posant comme témoin. J’ai commencé il y a environ deux ans. Je m’y suis mise à temps plein il y a un an, une fois que mon éditeur s’est engagé avec moi dans l’aventure. 

C’est votre première BD sous forme de carnet….
Après le carnet de voyage et le reportage dessiné, j’avais très envie d’explorer cette forme graphique qui me donne une sensation de grande liberté d’expression et de « mise en vie ». Il y a des passerelles évidentes entre le croquis sous forme de reportage et la BD. C’est cette transition entre les deux qui m’a donné envie de m’affranchir des cases. Mis à part le challenge personnel, la question se posait depuis un certain temps de savoir sous quelle forme restituer tout ce que Madagascar m’a donné en termes d’inspiration artistique, en émotions visuelles et humaines, lors de mes nombreux voyages. Je dessine beaucoup sur place, j’observe, j’écoute, j’écris et j’ai plein de choses à raconter !

Quelle est la place de Madagascar dans votre œuvre ?
Je suis toujours étonnée de ce miracle qui me permet de revenir à Madagascar régulièrement pour des raisons professionnelles à chaque fois différentes : reportages dessinés, ateliers de peinture avec des enfants défavorisés, participation au festival de BD Gasy Bulles… Ce pays est tellement riche et divers qu’il y a toujours de nouvelles choses à découvrir. J’ai en projet une autre BD qui sera le récit autobiographique de ma découverte de Madagascar. Ce que cela a bousculé en moi, les observations, les émotions contraires, de l’émerveillement à la colère, les déceptions, les espoirs, les envies de coups de gueule, les incompréhensions et les impatiences parfois. Mais surtout tout ce que cela m’apprend sur moi et les autres, et en quoi cela m’enrichit humainement.

Dessin et voyage sont complémentaires ?
Diplômée de l’Ecole supérieure d’arts graphiques (Penningen) à Paris, je suis illustratrice et graphiste. Je travaille dans ces différents domaines, avec une fascination particulière pour tout ce que le dessin est capable d’ouvrir comme portes sur le monde. Les artistes, musiciens et dessinateurs, nous avons le pouvoir de véhiculer et de partager des émotions, des idées ou des indignations et de donner la parole à des gens qui ne l’ont pas. Nous avons le pouvoir de faire voir ce que l’on ne voit plus par paresse, par lassitude, par habitude. La plupart du temps, le dessin permet juste de s’émerveiller et d’être en relation pleine et privilégiée avec ce qui nous entoure, et c’est déjà énorme.

Parlez-nous des Carnettistes Tribulants ?
C’est un groupe d’amis venus d’horizons artistiques divers, avec lesquels nous explorons goulûment des sujets qui vont de la banlieue parisienne (Banlieue nomade), au carnet intime (Ce que j’aime en toi), en passant par des portraits dessinés et écrits de personnes âgées (Vivre Vieux !), d’agricultrices en France (Paysannes) ou encore l’immigration racontée à travers un focus sur des objets ayant appartenus à des immigrés (Bringuebalés). Nous avons aussi vécu deux fabuleuses expériences en Chine (Gratte-ciel et soupe de nouilles). Actuellement, nous initions un travail sur le Grand Paris.

Le retour à Madagascar ?
En février et mars 2016, je suis invitée par l’Alliance française et l’Institut français de Madagascar pour présenter Sous le tamarinier de Betioky. Le programme est chargé : une expo des planches originales, des croquis et peintures à l’Institut français d’Analakely : le vernissage aura lieu le 1er mars. Il y aura aussi des ateliers pour enfants et adultes professionnels, et une tournée jusqu’à Toliara avec une expo itinérante. Et surtout un concert dessiné en collaboration avec Jean Piso et d’autres musiciens, ainsi que le lancement d’un concours sur Tana visant la valorisation d’artistes malgaches.

Propos recueillis par #AinaZoRaberanto

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