Gaysophone
15 mars 2019 - GaysyNo Comment   //   1293 Views   //   N°: 110

« Tu sais, j’aime les garçons. Et je voudrais rencontrer des mecs qui fonctionnent comme moi. Si tu en connais, voudras-tu me les présenter, s’il te plaît ? », avoué-je à Hery, à la fin de notre répétition. Il a l’air surpris de mon aveu. D’un air rassurant, il me confie qu’il en connaît pas mal dans la capitale. « Donne-moi ton adresse et je vais faire le nécessaire. En toute discrétion », me promet-il.

J’ai connu Hery lors de son bref passage à Toamasina. C’étaient les grandes vacances et il logeait en face de chez moi. Les vis-à-vis de la Cité Valpinson laissaient voir ce qui se passait en face. Par ses manières exquises, je me doutais qu’il était gay. Je voulais l’aborder mais je ne savais pas trop quoi lui dire, puis il a quitté la ville peu de temps après.

Je l’ai croisé de nouveau au sein de cette agence qui forme des mannequins pour un projet de défilé dans la capitale à la fin des années 90. J’ai pratiqué cette activité en parallèle à mes études universitaires. Conscient de mon orientation sexuelle, l’envie de fréquenter des gens ayant les mêmes pulsions que moi grandissait de jour en jour. Je n’avais pas d’ami et je passais le plus clair de mon temps, en dehors de mes études, à faire du sport. Être gay dans la capitale pour un mec de dix-huit ans, venu de la province, me rendait solitaire. Ma rencontre avec Hery m’a poussé à agir.

Le lendemain de ma confession, un jeune homme d’à peine quelques années de plus que moi frappait à ma porte. Il s’est présenté en tant qu’ami de Hery et intéressé à faire ma connaissance. Il sentait la frime jusqu’au bout de ses phrases. Il avouait aimer les sorties et ne ratait pas un seul grand événement de la capitale. Très vite, ses vantardises m’ont saoulé. Le courant avait du mal à passer entre nous. Il a fini par partir au bout de quelques minutes.

En début de soirée, un autre a fait son apparition. Vêtu comme un employé de bureau, il affichait une vivacité d’esprit, un style et du charme. Le jeune homme qui se sent sûr de lui. Au bout de quelques phrases, il insinuait déjà son intention de tirer un coup, me prenant pour une proie facile. J’arrivais à le contrer en lui confiant que je cherchais plutôt des amis.

Des va-et-vient de nouveaux mecs animaient ma semaine, la plupart venus pour tenter d’assouvir leur désir sexuel. Beaucoup semblaient trop superficiels par rapport à mon caractère et mon style de vie. Parmi la bonne dizaine qui s’est manifestée, Zo a été le seul avec qui je me voyais entretenir une bonne relation amicale. En plus, il me promettait de me faire voir le mode de vie gay de la capitale, en commençant par le jardin d’Antaninarenina, le prochain weekend. « C’est le seul endroit où l’on croise tous les gays de Tana. Beaucoup sortent le samedi soir. »

Le jardin abritait déjà du beau monde quand Zo et moi arrivâmes. Mon guide me fit faire le tour du propriétaire. Ses occupants formaient de petits groupes éparpillés sur quelques bancs. L’ambiance était joviale. Certains parlaient à haute voix, d’autres étaient là pour exhiber leur style vestimentaire. A notre passage, je sentis des regards insistants, entendis des salutations dragueuses. Un vent de liberté souffleait sur cette partie de la ville à cette heure tardive de la journée. Nous finîmes par nous joindre à un groupe que Zo connaissait bien.

Après les présentations d’usage, je fus vite intégré à la conversation du petit clan. Mais je réalisai qu’ils employaient des mots et des phrases que je ne comprenais pas du tout. Lorsque le groupe a remarqué que son langage me dépassait, il a compris que j’étais une nouvelle tête dans la capitale. Mais habitués à s’exprimer de cette façon, ils ont continué à utiliser leur langue étrange, me laissant dans l’incompréhension totale. Zo était mon seul secours pour tout me traduire. « Tu dois apprendre ça le plus vite possible, me conseilla-t-il. Ça sert à communiquer des informations dans un endroit public sans que les curieux ne comprennent. »

Il m’a fallu quelques semaines d’entraînement avant de maîtriser cet argot gay dénommé « knou ». Mais qui a eu cette idée folle d’inventer ce langage venu de nulle part et que tout le milieu gay malgache pratique assidument ? Maintenant, certains films locaux et tubes de certains artistes s’approprient du vocabulaire issu de cette langue « gaysophone ».

© Photo : Roddy

par #Von

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