À Madagascar, le Famorana – la circoncision traditionnelle – n’est pas qu’un geste chirurgical. C’est un véritable rite de passage, le basculement symbolique de l’enfance vers l’âge d’homme. Hérité des Ntaolo, les ancêtres, ce rituel mêle croyances, pratiques médicales empiriques et dimension communautaire. Il continue d’occuper une place centrale dans l’imaginaire collectif malgache, malgré la modernisation des pratiques médicales.
Au-delà de l’acte, la tradition prescrit des règles précises. Le choix de la période n’est jamais anodin : la circoncision doit avoir lieu durant la phase décroissante de la lune. L’idée est profondément symbolique : ôter le prépuce revient à se délester de ce qui est considéré comme impur, pour laisser place au « bon ». À cela s’ajoute une règle stricte : le jour choisi ne doit pas coïncider avec celui de naissance de l’enfant. Si ce dernier est né un jeudi, l’opération ne saurait être programmée ce même jour. Enfin, l’hiver austral – période fraîche et sèche – est considéré comme le moment le plus propice. Les plaies cicatrisent mieux, réduisant ainsi les risques d’infection.
Ces précautions ne relèvent pas de simples superstitions. Longtemps pratiqué par des ombiasa (guérisseurs) ou des mpanandro (devins), le Famorana visait à protéger l’enfant des complications post-opératoires. Dans les villages, la cérémonie s’accompagnait de bénédictions et de formules rituelles. Le fameux souhait “Aza ela fery” – littéralement « que la plaie ne dure pas » – s’inscrivait autant dans le registre médical que spirituel.
Mais au-delà de la santé, le Famorana engage tout un avenir. L’enfant, devenu homme, est appelé à prendre un jour la tête d’une famille, perpétuant ainsi la lignée et consolidant la société malgache. Le rite n’est donc pas seulement une affaire individuelle : il est un ciment social, un passage obligé vers la responsabilité et la citoyenneté.
Aujourd’hui encore, entre cliniques modernes et pratiques traditionnelles, le Famorana conserve toute sa force symbolique. Preuve que, dans une société en pleine mutation, certains gestes restent intangibles : ceux qui forgent l’identité.
Radamaranja