Dr Patrick Ranjohanison : Le budget de la santé n’a cessé de diminuer
8 juin 2017 - ÉcoNo Comment   //   2276 Views   //   N°: 89

Neuf Malgaches sur dix n’ont pas accès aux soins. Le manque d’infrastructures, de personnels qualifiés et un système de santé défaillant en sont les principales causes. Pour le Dr Patrick Ranjohanison, l’instauration d’un secteur de santé digne de ce nom est un défi majeur pour le pays.

Dr Patrick Ranjohanison
Secrétaire général du Conseil régional
de l’Ordre des médecins d’Analamanga

D’après les données 2015 de l’Organisation internationale du travail, 90 % de la population malgache particulièrement dans les zones rurales, n’ont pas accès aux soins. Comment explique-t-on cela ?
Pour les Malgaches, la santé n’est pas une priorité malgré les proverbes « les malades sont rois » (Izay marary andrianina) ou « la santé est la première des richesses » (ny fahasalamana no voalohankarena). Au niveau central, on constate que la part de la santé au niveau de la loi de finances, et cela depuis que nous avons retrouvé notre indépendance, ne cesse de diminuer par rapport à d’autres secteurs. Cette part du Budget allouée à la santé stagne autour de 7,5 % alors que les normes préconisées par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) sont de 10 % minimum. Au niveau des zones rurales, les infrastructures routières et hospitalières sont cruellement insuffisantes si l’on se réfère aux normes préconisées par l’OMS. Au début de ma carrière de médecin, vers la fin des années 1990, je tenais un cabinet médical à Miandrivazo. J’ai compris qu’il faudra encore beaucoup de temps avant qu’une personne qui vient d’Ambatolahy ou de Dabolava,

victime d’un traumatisme par exemple, puisse être pris en charge par un médecin ou un centre de santé.

Les femmes et les enfants sont les plus touchés par ce manque d’accès aux soins…
En 2015, par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), on s’aperçoit que les chiffres sont préoccupants. Le taux de mortalité infantile est de 35,9 décès pour 1 000 naissances et le taux de mortalité maternelle de 353 décès pour 100 000 naissances vivantes. Nous sommes en deçà des OMD dans beaucoup de secteurs mais plus particulièrement en ce qui concerne la santé. La mortalité maternelle et infantile constitue un indice important pour le développement d’un pays. Ces chiffres sont effrayants. La principale cause c’est d’abord, le niveau d’éducation de la population. Si une femme enceinte à Tana ne fait pas de consultation prénatale, pour des raisons quelquefois absurdes, alors imaginez en milieu rural !

« Nous sommes en deça de toutes les normes préconisées par l’OMS… »

Quelles sont les maladies qui touchent le plus la population ?
Curieusement, c’est l’AVC (accident vasculaire cérébrale) qui est en 2012 la première cause de mortalité chez nous, devançant les infections respiratoires aiguës. C’est sans doute dû aux divers stress que subissent, à différents niveaux, les Malgaches. Curieusement, cette maladie touche plus les pays développés que les autres. C’est paradoxal mais c’est le chiffre que nous possédons actuellement. En gros, ce sont les maladies liées au mode de vie et les maladies cardiovasculaires qui touchent de plus en plus les Malgaches. Chez les moins de 5 ans, il y a aussi le paludisme qui touche un enfant sur trois.

Les Malgaches ont également une très mauvaise santé bucco-dentaire…
Le pays compte un dentiste pour 20 000 personnes, c’est dire. Comment se fait il que dans des régions comme le Vakinankaratra, qui est relativement riche au plan agricole, la population rurale voire urbaine ait beaucoup de problèmes de caries dentaires? Ce sont surtout nos habitudes alimentaires qu’il faut pointer.

Les 10 principales causes de mortalité à Madagascar (2012)

AVC (Accident Vasculaire Cérébrale) : 152 000 personnes
Infections respiratoires : 150 000 personnes
Tuberculose : 101 000 personnes
Diarrhée : 101 000 personnes
Ischémie cardiaque : 8 300 personnes
VIH / Sida : 6 000 personnes
Paludisme : 6 000 personnes
Asphyxie et traumatisme à la naissance : 5 800 enfants
Complications à la naissance : 5 400 enfants
Malnutrition : 4 800 personnes
(Sources : Organisation mondiale de la santé)

Madagascar manque d’infrastructures adéquates. Quelles sont les solutions pour pallier ces problèmes ?
Au sein de l’Ordre des médecins, une des principales attributions du conseil est de favoriser la formation continue des médecins. Ailleurs, les cabinets médicaux et les petits centres de santé comme les CSB1 – même chose dans le privé – doivent avoir la validation du conseil pour qu’ils puissent opérer. Nous imposons des normes de qualité. C’est encore loin de l’idéal mais on s’y attelle !

En 2015, le pays a adopté la couverture sanitaire universelle (CSU) pour réduire les problèmes liés à l’accès aux soins. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Plusieurs paramètres entrent en jeu pour parfaire la CSU, qu’ils soient structurels, financiers, organisationnels, humains ou administratifs. Je sais qu’au niveau du ministère de la Santé publique, il y a beaucoup de directions et de services qui s’en chargent. Mais, à mon humble avis, l’effectivité de la CSU ne pourra être évaluée que d’ici trois à quatre ans.

Contact
Dr Patrick Ranjohanison : 034 02 546 57 / 032 07 161 16

Propos recueillis par #AinaZoRaberanto

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