D’Gary
2 septembre 2014 - Music MusiquesNo Comment   //   3310 Views   //   N°: 56

Retour en Terre sainte

« Tany Mashy », Terre sainte en dialecte Bara. Considéré aux États-Unis comme l’un des piliers africains de la Word, le maître de l’open tuning revient nous parler de tsapiky, de beko, de faha-raza. Un retour aux sources après douze années d’absence sur la scène locale.

Le « monstre de la guitare » refait surface après douze ans d’absence. C’est le surnom que lui a donné le producteur américain (et ex-musicien de Jackson Browne), David Lindley. C’est dire que D’Gary – Ernest Randrianasolo pour l’état civil – sait marquer ses contemporains ! Sans doute le musicien malgache le plus exporté à l’étranger avec Jaojoby, feu Rakoto Frah ou Régis Gizavo. En tout cas l’un des plus connus sur la scène jazz et rock anglo-saxonne.

C’est dire que ce nouvel opus, son septième, va être abondamment commenté par ses fans. Il a choisi de l’intituler Tany Mashy, Terre sainte en dialecte Bara, comme un hommage à sa région d’origine, Betroka.

 Un pèlerinage aux sources. « Je n’avais rien enregistré depuis Akata meso en 2002. Mais cela ne signifie pas que je me suis tourné les pouces. J’ai fait pas mal de tournées mondiales avec des formations américaines, mais voilà il était temps pour moi de respirer l’air du pays. »

Sa carrière américaine commence sur des chapeaux de roues en 1989 quand il est remarqué par le même David Lindley, alors en séjour à Madagascar où il enregistre avec des musiciens locaux. Ce dernier est accompagné du guitariste Henry Kayser, considéré comme l’un des pionniers de l’improvisation libre dans les milieux du free-jazz. Un Kayser qui tombe littéralement à genoux devant le jeu de guitare tout en instinct de D’Gary. Un jeu inspiré du tsapiky, le rythme le plus déhanché du Sud, dont il est l’un des précurseurs. En 1979, à 18 ans, il enregistre un premier 45 tours chez Discomad avant de devenir le guitariste attitré de Feon’ala. En 1988, on le retrouve avec sa propre formation Iraky Ny Vavarano (guitare, chant, percussions) et un premier album très remarqué, Garry.

Sous le patronage de Lindley-Kayser, il enregistre deux opus à dominante root : Malagasy Guitar, The Music From Madagascar, suivi en 1993 de Dama & D’Gary, enregistré avec Dama (Mahaleo). À cette époque, la Word a le vent en poupe et D’Gary n’a aucun mal à tourner avec les meilleures formations. Un « mercenaire » comme il se dit lui-même. Un quart de siècle au service des autres, avec ça et là néanmoins des opus personnels comme Horombe (1994) ou Tsapiky (2000). Sa technique ? C’est de n’en pas avoir, au sens classique du terme, car D’Gary se sent davantage l’enfant du bal poussière que du conservatoire. D’instinct, il pratique l’accord ouvert (open tuning) une technique d’accordage qui n’appartient qu’à lui. « J’ai ma façon à moi de régler ma guitare, ou plutôt de la dérégler. J’ai développé 32 façons de dérégler mon instrument et chacune correspond à un univers et à une palette sonore qui me correspondent… »

Aujourd’hui, la cinquantaine « sans état d’âme », il est de retour au pays avec beaucoup de choses à partager, forcément. Tsapiky, beko, quelques touches de blues ici et là, les 14 titres de Tany Mashy sont une étincelante déclinaison de son répertoire. Sans oublier Le faha-raza, ce rythme « aux ancêtres » qu’il a inventé lors de la cérémonie funéraire de son père dans les années soixante-dix. « Les lamentations des pleureuses sont comme une mélodie que j’ai voulu reproduire à la guitare. » Un album somme, tout simplement, et le premier enregistré au pays depuis les lointaines années quatre-vingt-dix. « Juste retour des choses. Je me dois de redonner aux Malgaches ce qui leur revient de droit, leur art et l’artiste que je suis grâce à eux… »

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