C’était il y a cent ans… en février 1912
9 mars 2012 - TsiahyNo Comment   //   1607 Views   //   N°: 26

Dans le numéro de février, nous avons publié la chronique de mars. Une erreur regrettable à double titre : non seulement cette chronique n’avait rien à faire en février mais, en outre, elle évoquait des événements du mois précédent, ce qui la rendait peu compréhensible. Nous publions donc ici la chronique de février, en vous invitant à relire celle de mars sur notre site Internet. Toutes nos excuses pour cette étourderie. La chronique de Pierre Maury reprendra son cours normal le mois prochain. 

Les faits divers abondent. Le plus commenté met en scène un Français, administrateur-adjoint, chef du district de Tsaratanana. Le soir du 24 février, M. Longuemart nettoyait son revolver. Il en est mort. Sa compagne indigène aussi. La version officielle parle d’une imprudence. Ce fonctionnaire réputé consciencieux, mais qui nettoyait une arme chargée, n’aurait-il pas fait deux victimes pour des raisons moins avouables ? Nous ne le saurons jamais. 

Dans le même temps, le tribunal indigène distribue les mois de prison : deux à Rakotomanga pour le vol d’un paletot, deux autres à Rainizafindramanga pour un madrier, six à Kotomanga pour un paquet de boutons… Petits délits, au regard de la bande organisée qui a sévi à Diego pendant un mois jusqu’à son démantèlement par la garde régionale. Celle-ci a trouvé tout un arsenal : trois fusils modèle 1874, un fusil de chasse à deux coups, une hache, des sagaies, des couteaux et des balles de plomb.

Cela n’empêche pas les réjouissances. Les Bretons de Tananarive ont organisé leur banquet annuel le 10 février. Il n’y manquait que le procureur général, M. Toussaint, frappé par un deuil – son père vient de décéder. On a bu du cidre, chanté des chansons du pays et on ne s’est séparé que le dimanche au lever du soleil.

L’administration coloniale souffre de quelques ratés. En juin 1906, le gouverneur de Madagascar, Victor Augagneur, s’était rendu à Tuléar. Sollicité par la Chambre consultative, il avait promis une école européenne pour l’année suivante. Aujourd’hui, elle n’existe toujours pas et un père de famille s’en plaint. Selon les chiffres officiels qu’il s’est procurés, 46 enfants européens et 70 assimilés en âge de scolarité « ne peuvent apprendre à lire et à écrire par suite de l’inertie – le mot n’est pas trop fort – de l’administration supérieure qui remet d’année en année la création d’une modeste école européenne. » La Mission catholique a donc pris l’initiative de créer une école où l’on attend des religieuses. « Et l’on verra cette chose surprenante : des pères de famille libres-penseurs être contraints, faute d’école officielle, d’envoyer leurs enfants à une institution confessionnelle qu’ils désapprouvent. »

Les habitants de Tananarive ont d’autres griefs. L’avenue Fallières, devant la gare, est devenue « une véritable prairie où paissent tranquillement les animaux de toutes espèces ». Ils ne gênent pas une circulation inexistante, mais ils s’en prennent aux pousses des jeunes arbres qui ont été plantés en bordure. Au jardin d’Andohalo où jouent des enfants, l’urinoir qui y est placé provoque une puanteur insupportable. Il serait nécessaire d’installer l’eau courante et, tant qu’à faire, quelques bancs seraient les bienvenus pour que les mamans puissent s’asseoir en attendant leurs enfants.

Des améliorations sont pourtant réalisées dans la ville. Un avis d’adjudication publique a été lancé pour construire un réseau d’égouts destiné à évacuer la plaine de Tsaralalana. Et la Société d’électricité va installer l’éclairage électrique dans le quartier d’Ambohipotsy. Mais ne vaudrait-il pas mieux, demande Le Progrès de Madagascar, « éclairer l’ancienne route de Tamatave, qui dessert de nombreuses villas » ?

Pendant ce temps, à Tamatave, précisément, le trafic du port s’est accru, passant de 12 000 tonnes en 1903 à 90 000 en 1911. Une extension est envisagée avec l’aménagement d’un bassin à la pointe Hastie et l’amélioration de la rade au moyen d’une jetée. Les travaux seront coûteux – on les estime à 15 millions – et il faudra emprunter. Mais les recettes devraient être suffisantes pour rembourser un emprunt qui ne pèsera donc pas sur la colonie.

L’Académie malgache, de son côté, se penche sur le passé et, lors de la séance du 22 février, formule par la voix de son président, le Dr Fontoynont, « le voeu que soit appliqué strictement l’arrêté concernant la conservation des souvenirs historiques répartis dans l’île et ses dépendances. »

Le gouverneur général, M. Picquié, s’occupe aussi de culture : il a adressé aux chefs de province une circulaire où il leur demande leur concours pour l’étude des différents dialectes parlés dans la grande île.

Enfin, en France, la section de Madagascar et des Comores de l’Union coloniale française s’est réunie le 26. Elle a notamment décidé de faire des démarches auprès de l’administration des postes pour réduire le délai de distribution des colis en provenance de Madagascar : neuf jours actuellement !

Par #PierreMaury 

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