Bilal Tarabey : « Tout ce que je raconte est vrai »
7 mai 2014 - Cultures LivresNo Comment   //   3228 Views

Journaliste français d’origine libanaise et syrienne, correspondant pour France 24 et Afrique-Asie, Bilal Tarabey est installé à Madagascar depuis 2011. Dans son livre, « Madagascar, dahalo », il raconte une année d’enquête sur la piste des voleurs de zébus et de Remenabila, leur chef présumé.

Pourquoi un livre sur les « dahalo » ?

L’envie décrire un livre a toujours été en moi. Je pense que c’est le fantasme de tous les journalistes, d’avoir enfin le temps et de ne pas être comprimé dans un petit format pour raconter des histoires. Ensuite, parce que j’ai pas mal  travaillé sur le Sud de Madagascar à Paris, du temps où j’étais en ethnomusicologie, notamment sur le tsapiky. Enfin, dans le cadre de mon travail de journaliste, j’ai commencé à lire des histoires sur ces bandes de 300 personnes armées de kalachnikov, ça me paraissait irréel parce que nous sommes à Madagascar. Maintenant, dix personnes armées de ce genre d’engins peuvent prendre un quartier entier de la capitale. Alors pourquoi pas ?  C’est le mélange de tout ça qui m’a poussé à faire le premier de mes trois voyages.

Ton état d’esprit durant ces enquêtes ?

Honnêtement, c’est peut-être une des rares fois où j’ai vraiment eu la sensation de faire mon travail d’informateur. J’ai toujours travaillé sur des « on dit que », « on rapporte que », « selon la gendarmerie ou Amnesty international, il y a des villages brûlés », mais personne n’y est allé, il n’y avait pas de photos, rien. C’est une des zones les plus dangereuses de Madagascar,  de plus je ne suis pas dans mon pays, il fallait que je fasse doublement attention. Dans ces conditions, on ne voyage pas en mode touriste ou voyageur. On est juste un journaliste qui fait son travail. En plus, c’était le jeu du chat et de la souris avec les gendarmes d’un côté, les villageois de l’autre, personne  ne voulait parler.

Des moments qui t’ont le plus marqué ?

Pour lutter contre les dahalo, les forces spéciales s’en sont pris aux villages. Quand je suis arrivé dans le premier qui avait brûlé durant l’opération Tandroka, je me suis cru dans un film. Ce n’était plus des  « on dit », ça avait vraiment eu lieu. Plusieurs mois après les faits, des gens étaient encore complètement détruits, mais  leur histoire ne trouvait pas d’échos. Quelque part, c’était injuste. Ce livre, c’est aussi pour eux.

Il y a une part revendiquée de subjectif dans cette enquête…

Il est vrai que dans un travail d’enquête normal, on doit privilégier les faits. Mais là, c’est un format de récit, on a la place, on peut aller au fond des choses. Quand je parle de mes sentiments sur le terrain, c’est une autre façon d’aider le lecteur à mieux cerner les détails et les nuances. C’est d’ailleurs une technique de journalisme très utilisée depuis les années soixante. Je trouve que c’est une part de vérité. Tout ce que je raconte dans ce livre est vrai.

Remenabila, le chef présumé des « dahalo », existe-t-il vraiment ?

Je pense que oui. Je ne vais pas raconter ce qui se passe dans le livre, mais il a un catalogue de personnes qui disent qu’elles le connaissent ou qui sont liées avec lui à travers leur famille. Etant donné les événements que  je raconte, mis à part les forces spéciales malgaches et les villages brûlés, je ne vois pas pourquoi on m’aurait dit ou pris le risque de me dire qu’il existait  si c’était une pure invention. Moi j’y crois. Maintenant ce que je ne sais pas si ce Remenabila n’est pas un simple  berger dont on a pris le nom parce qu’il en fallait un ou si c’est réellement l’équivalent d’un Al Capone ou d’un Oussama Ben Laden. Dans tous les cas, je suis candidat pour aller l’interviewer…

Propos recueillis par Aina Zo Raberanto

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