Batoly Aboudou, « Je trouvais la ville triste »
10 août 2014 - DiasporaNo Comment   //   1698 Views   //   N°: 55

Batoly est native de Manombo, un village de la région Atsimo-Andrefana, à 30 km de Toliara. Quatrième enfant d’une famille qui en compte neuf, de mère Vezo (famille de pêcheurs) et de père Comorien (policier expatrié), Batoly a grandi à Toliara

« On vivait à dix dans une baraque de deux pièces en tôles. » Une misère que Batoly Aboudou, 53 ans, a décidé de fuir dès son plus jeune âge : « Autant de ressources, autant de richesses, c’est un gâchis. » Le père rentre aux Comores, en 1971, avec deux de ses filles les plus jeunes, quand sa propre mère tombe malade. Il décédera quelques années plus tard laissant la famille sans le sou. Les enfants fréquentent l’école publique, en malgache, et travaillent parallèlement pour parer aux besoins essentiels : « Je travaillais comme couturière pour aider ma famille suite au décès de mon père en 1980. » Batoly arrête ses études en fin de cycle secondaire. 

C’est en 1984 que la jeune femme quitte Madagascar, sur invitation de son beau-frère, pour y passer des vacances. 

Elle a 23 ans quand elle arrive à Paris avec la ferme intention d’y rester : « Je savais que j’avais la double nationalité, j’ai fait les démarches nécessaires et j’ai récupéré mes papiers en France. J’y suis arrivée le 24 décembre, tout était blanc, il y avait 15 cm de neige, il faisait très froid. » Batoly entame une formation dans une école de haute-couture et rencontre, la veille du 1er mai 1986, l’homme qui deviendra son mari, en 1988, un Ardéchois, avec qui elle mènera, littéralement, une vraie « vie de château » et voyagera un peu partout dans le monde. 

Pour des raisons professionnelles, Batoly suit son mari en Afrique et le couple s’installe, successivement, au Sénégal, à Djibouti, au Burkina Faso avant de s’établir à Annonay, dans le nord de l’Ardèche, où Batoly ouvrira un salon de coiffure : « Les premiers jours, je trouvais la ville triste, il n’y avait pas beaucoup de couleurs, pas beaucoup de blacks, j’avais un peu peur du regard des gens mais, finalement, je m’y suis faite très vite et j’ai des amis ici. » Entre-temps, le salon a fermé, deux enfants sont nés et Batoly, en « vraie mère poule », partage son temps entre ses enfants et ses nombreuses activités associatives et artistiques. Danseuse, chanteuse (deux albums à son actif ), présidente de l’Office municipal des animations et des fêtes d’Annonay, présidente du Comité Miss Ardèche pour Miss France… Paradoxalement, alors qu’elle est devenue une « vraie Ardéchoise », Batoly renoue avec ses origines : « Les parfums, les poissons, la viande de zébu… tout ça me manquait. » 

Depuis 2011, Batoly vit entre la France et Madagascar : elle se rend régulièrement dans le sud, à Toliara, où elle est gérante du complexe hôtelier Vahombe et, dans le nord, à Antsohihy, où elle entreprend des voyages initiatiques auprès de son fondy (tradipraticien) pour apprivoiser les dadibe (littéralement, les grands-parents, variété de tromba, esprits des anciens) avec lesquels elle vit depuis l’enfance. 

Texte et photo : Christophe Gallaire

COMMENTAIRES
Identifiez-vous ou inscrivez-vous pour commenter.
[userpro template=login]