Attention au faucon… et au vrai !
12 décembre 2016 - Fanahy gasyNo Comment   //   1600 Views   //   N°: 83

De façon générale, les Ntaolo (Anciens) n’aimaient pas se faire empapaouter ni qu’on leur fasse prendre des vessies pour des lanternes. D’où cette expression « Natao hitsikitsika hivavahana,kanjo voromahery hipaoka ny akoho » : « on le prenait pour une gentille crécerelle, c’était un faucon ravisseur de poules… »

Il arrive à tout le monde de pouvoir se tromper en se fiant à l’apparence d’un sourire trompeur. Celui parle (trop) bien et vous promet monts et merveilles ? Attention c’est soit un vendeur de téléphones fabriqués en savon (une spécialité de Tana) soit un homme politique, ou les deux. Celui-là s’empresse, bouche en cœur et tout sourire, de pousser votre caddy jusqu’à votre véhicule ? C’est soit un dragueur de supermarché soit un pick-pocket qui saura vous délester de quelques marchandises avant même d’avoir ouvert votre coffre. Bref, on ne peut vraiment pas prendre tout ce qu’on nous dit pour de l’argent comptant. Il faut savoir tamiser, filtrer, y regarder à deux fois avant ses faire son opinion.

Cette observation pleine de bon sens, les Anciens se la sont faite en recourant, comme souvent avec eux, à la fable animalière. Cette fois, il s’agit de deux rapaces, la crécerelle et le faucon.

De tous les rapaces, la petite crécerelle est sans l’ombre d’un doute la plus estimée des hommes. Et pour cause, elle ne s’attaque jamais aux animaux de la ferme, préférant becqueter un bon rat des champs ou un reptile quelconque. Tout à l’inverse du faucon qui n’hésite pas à fondre sur le poulailler – banzaï ! – pour emporter dans les airs une poulette effrayée ou un dindonneau ahuri qu’il ira dépecer tranquillement sur un rocher isolé, hors de portée des hommes. C’est dire qu’il n’inspire pas la sympathie ces faucons, pas plus que les vrais d’ailleurs ! Sauf si on a la patience de les apprivoiser pour en faire des oiseaux de chasse.

Rien à voir avec la gentille crécerelle au chant si caractéristique quoiqu’un peu énervant à la longue puisqu’on parle aussi – et ce n’est pas un compliment – d’un « rire de crécerelle ». Pour le reste, la demoiselle sait se montrer élégante et pleine de grâce, surtout lorsqu’elle exécute son fameux vol stationnaire avant de fondre sur sa proie. Un spectacle dont on ne se lasse jamais, quoique de plus en plus rare dans la campagne tananarivienne… Il a même donné lieu à un autre dicton : « Ny hitsikitsika tsy mandidia foana, fa ao raha », « La crécerelle ne danse pas pour rien, il y a quelque chose derrière ». Ce serait une erreur en effet d’y voir une démonstration de coquetterie. Elle bosse, elle chasse, la petite ! Mais encore une fois, sans empiéter sur le territoire des hommes, ce pourquoi elle a toute notre sympathie.

Partant de là, notre dicton de départ révèle toute sa pertinence. Untel nous fait son numéro de crécerelle alors que c’est un faucon prêt à fondre sur la basse-cour. Autrement dit, l’habit ne fait pas le moine. Avant de succomber au sourire de l’hypocrite, regardons si une lame n’est pas dissimulée dans la manche. Une morale de portée universelle comme les affectionnaient les Anciens.

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