Antanimboanjo
20 décembre 2016 - GaysyNo Comment   //   1525 Views   //   N°: 83

Situé en plein centre ville, sur une partie dénivelée comme son nom l’indique, ce jardin a son petit secret. Sa vue sur Faravohitra, Ambondrona, et Soarano procure un climat d’apaisement propice à la discussion : d’affaires pour les uns, amoureuse pour les autres. Les quelques bancs à l’ombre des jacarandas sont témoins de beaucoup d’histoires. L’affluence est forte la journée, un va-et-vient continuel. Ça joue, ça discute, ça flâne… rien que de plus normal pour un jardin public.

Mais les choses prennent une toute autre tournure le soir. Le jardin d’Antaninarenina se fait alors appeler Antanimboanjo. Depuis quand et pour quelle raison ? Je l’ignore mais apparemment, ça a traversé les générations. On y parle un autre langage où beau se dit « ango » et argent « bôby ». Une façon de parler devenue populaire aujourd’hui. Les chansons et les films locaux utilisent ce vocabulaire au grand étonnement des gays qui l’ont inventé ! Mais revenons à notre petit jardin. À la tombée du jour, les bancs se remplissent discrètement, essentiellement d’hommes. En solo, en couple ou en groupe, curieux ou habitués, la plupart savent pour quelle raison ils sont là.

On sent un climat de liberté, une ambiance plus colorée. Quelques groupes se forment, rigolent. Les regards se croisent avec insistance. Des silhouettes sillonnent l’allée pour se faire voir ou mieux voir les alentours. Ce ballet ressemble à un grand défilé de mode où l’on se fait appeler Kate Moss ou Naomi.

Au fil des heures, l’ambiance s’amplifie. La petite communauté d’Antanimboanjo s’organise à sa façon. Les travestis opèrent leur métamorphose pendant que Rakala s’affaire à l’installation de son petit commerce de bouffe et de boisson. L’heure est à la drague, à la rencontre, à la confidence, aux conseils, à la découverte, à la séduction, à la rivalité ou au commerce. Certains sont exubérants, d’autres plus discrets. On y vient pour savourer cette sensation d’évasion, pour affirmer sa personnalité. Et ça amuse la galerie. Vers 20 heures, l’heure de pointe, il y a toujours une surprise. Personne ne pense y traîner en général mais tout le monde finit par y rester jusqu’au petit matin.

Chaque petit clan a son banc. Une ambiance bon enfant piquée de rires de temps en temps. Le fil conducteur est la rencontre. Sans barrière sociale ou éthique, qu’on soit fils de riche, fonctionnaire, employé de la zone franche ou travesti, on se côtoie dans la bonne humeur. Les uns viennent tandis que d’autres s’en vont. Et tous les soirs c’est pareil, été comme hiver, depuis des décennies.

La réputation d’Antanimboanjo a dépassé nos mille collines. Nombreux sont les gays venus des provinces qui s’y pressent, curieux de connaître la vie nocturne du jardin. Au milieu de gens qui sont là par pur hasard et qui découvrent de près la vraie personnalité des gays. À une certaine époque, on y rencontrait différentes nationalité. L’endroit figurait dans le guide international gays Spartacus comme étant le seul endroit de rencontres à Madagascar. Le bon vieux temps !

Les années ont passé. Le climat est devenu morose dans ce jardin autrefois gai. La méfiance est désormais de mise après la multiplication des rackets et des agressions. Personne n’ose plus s’y aventurer le soir.

Puis une clôture métallique s’est emparé du jardin, imposant de nouveaux horaires d’accès et la fermeture des grilles vers 18 heures. Le lieu est devenu plus touristique, théâtre de nombreuses animations culturelles : jazz, fanorona, entre autres. Et j’ose y espérer un jour la tenue d’une manifestation aux couleurs de l’arc-en-ciel. C’est un endroit chargé d’histoires et d’émotions pour tous les gays qui eurent le courage d’y rester sous les pluies diluviennes ou le rude vent hivernal. Sans parler de ceux qui y restaient jusqu’au petit matin pour contempler les coureurs sexy dévalant les escaliers. Et ces pseudos qu’on s’est tous inventés un jour ou l’autre en ce lieu Parce qu’après tout, Antanimboanjo est aussi une histoire de noms. Mais qui a eu cette idée folle un soir d’appeler ainsi ce lieu de rencontres gay ? Si vous avez la réponse…

par #Von

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