Ankiliabo : La fièvre rose
30 novembre 2015 - Archives Grand AngleNo Comment   //   2584 Views   //   N°: 71

Depuis deux mois, c’est l’effervescence à Ankiliabo, district de Sakaraha (Toliara). Une carrière de saphir rose vient d’être découverte dans cette localité jusque-là inconnue du reste du monde. En quelques semaines, des milliers de candidats à l’Eldorado sont venus grossir les rangs. 

Il y a encore trois mois, Ankiliabo était un endroit désert. On ne trouvait pas âme qui vive dans cette localité oubliée même des cartes routières. Elle est située à 23 kilomètres de Sakaraha et à une dizaine de kilomètres de la route goudronnée. Mais en quelques semaines, plus de 2 000 personnes y ont débarqué avec pioches, pelles et tamis de prospecteurs. Et pour cause une carrière de saphir (corindon) vient d’être découverte tout près du fleuve Fierenana. Du saphir rose – moins cotée que le bleu, mais pouvant se monnayer jusqu’à 1 500 euros le carat (0,20 gr) selon sa qualité ! 

Sur une surface d’environ 4 000 mètres carrés, on dénombre pas moins de 200 trous creusés à la verticale à la pelle par les chercheurs de saphir. Les trous descendent jusqu’à 20 mètres et sont pourvus d’une galerie souterraine allant directement à la veine. 

C’est l’effervescence toute la journée. Des enfants courent de-ci de-là, on entend des rires et des cris. La chaleur accablante, jusqu’à 40°, n’entame pas l’enthousiasme des mineurs qui misent tout ici : faire fortune, et vite. Le boulot se fait en commun. Pendant que les uns descendent creuser dans les galeries, d’autres attendent en haut pour remonter les seaux pleins de terre. La terre est ensuite tamisée dans la rivière d’à-côté. Et à chaque fois, la gorge qui se serre : quelques grammes seulement et finie la vie de forçat ! Des saphirs dont la qualité est encore à discuter : rose-violacé ils peuvent valoir une fortune ! Mais les Karana (Indo-Pakistanais) qui achètent les pierres sont plus réservés sur la qualité des saphirs d’ Ankiliabo. « Les pierres sont petites et leur pureté est discutable. Nous préférons acheter à Ilakaka », confie un bijoutier qui vient d’analyser à la loupe quelques échantillons ramenés par des prospecteurs.
Pourtant, la rumeur est tenace, on dit qu’Ankiliabo renferme « du saphir gros comme ça ». L’homme qui a découvert la carrière y aurait trouvé « une pierre qui l’a rendu millionnaire du jour au lendemain ». C’est ce qui se raconte le soir dans les épi-bars improvisés et qui a provoqué ce rush sur Ankiliabo. « Personne ne sait qui est cet homme dont on parle, et personne n’a jamais trouvé de gros cristaux par ici. Il y a bien du saphir rose ici, mais gros comme des grains de riz », explique un mineur, possédant actuellement environ 100 grammes de pierre. 

Les quantités extraites en une journée ne sont pas encore connues, car aucun mineur ne divulgue ce genre d’informations. De toute façon, la carrière est illégale, bien que des militaires (payés par les cotisations des mineurs) soient là pour assurer la sécurité. Jusque-là, aucun incident grave n’est à signaler. Contrairement à Ilakaka et aux autres carrières de l’île, l’atmosphère à Ankiliabo est très détendue. 

En un rien de temps, Ankiliabo est devenu une petite ville, comme dans les meilleurs films de ruée vers l’or. Partout de toutes petites cabanes en planches, construites maladroitement par les mineurs eux-mêmes, avec du bois qu’ils ont eux-mêmes coupé. Des gargotes, des petits bars et même des salles de jeux (jeux d’argent pour l’essentiel) sont apparus. Des futés ont même débarqué avec de petites plaques solaires pour lancer un business de « Charge téléphone, Ar 1 000 ». Les mineurs viennent de partout. Du Sud, de Fianarantsoa, d’Ambositra et même de la capitale. Aucun journal ou chaîne de télévision n’ayant encore parlé de cette carrière, la plupart d’entre eux ont appris son existence par le récit des chauffeurs de taxi-brousse reliant le Sud aux hautes terres centrales. Certains ont tout quitté pour cet Eldorado. « Je viens d’Ambositra où je cultivais un lopin de terre, et en parallèle j’étais rabatteur au stationnement des taxibrousses. Mais tout ça ne rapporte pas, c’est pour ça que je suis parti », explique Haja, la trentaine. Il envisage de faire venir sa famille dès qu’il aura assez d’argent pour payer les frais de transport. Maintenant qu’il a trouvé son Eldorado, il est bien décidé à s’y agripper de toutes les façons.

Texte : #SolofoRanaivo
Photos : #Rijasolo

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