Andrianary Rado Rajoelison : « C’est tout le transport qui est à discipliner »
6 février 2017 - ÉcoNo Comment   //   5735 Views   //   N°: 85

Loin d’être un pilier du développement, le transport est aujourd’hui un frein à l’épanouissement économique du pays. Une situation qui est loin de faciliter la vie des 92 % de Malgaches qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté, explique Andrianary Rado Rajoelison, secrétaire général du ministère en charge des Transports.

« On est en train de trouver des partenaires stratégiques pour remettre à niveau Air Madagascar »

Un fléau est commun à toutes les branches du secteur transport : le problème des infrastructures…
Que ce soit en matière de réseaux routier, ferroviaire, maritime, fluviale ou aérien, l’état des infrastructures laisse à désirer. Si l’on prend le réseau routier, seuls 30 000 km sur les 50 000 km sont aujourd’hui praticables. Chaque année, près de 300 km de route sont détruites en raison des aléas climatiques, des inondations, du manque d’entretien et du manque de moyens financiers. Il y a aussi les surcharges routières dues aux poids lourds mais aussi aux charrettes avec leurs roues métalliques non conformes aux routes. Le plus grave c’est l’incivisme des Malgaches qui ont cette tendance à détruire les panneaux de signalisation routière.

À part la vétusté des routes, les Tananariviens souffrent des embouteillages incessants dans la capitale. Quelles solutions concrètes le ministère en charge des Transports propose-t-il ?
Les embouteillages sont surtout dus au non-respect généralisé des règles de la circulation.

Il y a les charrettes qui roulent à pas de fourmi, les piétons qui marchent en pleine rue, les taxi-be qui s’arrêtent où ils veulent, les scooters qui dépassent à droite, les voitures qui tombent en panne au milieu de la route, sans parler des marchands qui s’installent en pleine rue. Tout cela révèle avant tout un manque de discipline.

La perception est qu’il n’y a pas assez de routes alors que le nombre d’usagers augmentent…
C’est faux, la ville est en train de s’élargir. Nous pouvons citer les nouvelles routes qui relient Soavimbahoaka et Ivato, Ankazomanga et Ambohitrimanjaka, Ambohitrimanjaka et Ambohidratrimo. Nous voulons répondre aux besoins des usagers qui se déplacent dans la périphérie. Nous pourrions par exemple opter pour des autobus de 30 à 40 places ou démonétiser le ticketing en optant pour la carte électronique pour payer les frais de transport ?

Qu’en est-il du projet de relance du train urbain qui partirait de la capitale vers les banlieues ?
Ce projet date de 2006. Il n’est pas encore mis en place mais continue à faire l’objet d’études sérieuses.

Avec ses quelques 800 km de voie ferrée, Madagascar est à la traîne en matière de transport ferroviaire en Afrique subsaharienne…
En effet, le réseau ferré malgache n’a connu aucune extension au cours des 70 dernières années. De plus, les infrastructures ferroviaires sont dans un état délabré tant au niveau des rails que des matériels roulants. Pour le réseau Nord (Antananarivo à Toamasina, Antsirabe, Ambatondrazaka et Morarano), le budget d’entretien alloué est de 6 milliards d’ariary. Pour le réseau Sud (Fianarantsoa–Côte Est), il est de 2 milliards d’ariary. C’est loin d’être suffisant. À cause de ces problèmes financiers, en 2003, la gestion et l’exploitation du réseau Nord ont été confiées à la société Madarail.

Madagascar a-t-il l’ambition de relancer le transport ferroviaire et dans quels buts ?
Nous avons comme vision de raviver le train du voyageur ainsi que celui transport des marchandises et des minerais. D’ailleurs, un accord a été signé entre l’Espagne et la Grande Île pour mieux restructurer le secteur ferroviaire avec un appui en infrastructures, matériels et assistance technique.

Il y a quarante ans, Madagascar figurait parmi les leaders dans le transport maritime, qu’en est-il aujourd’hui ?
Madagascar occupe une place privilégiée de par sa situation géographique à l’est de l’Afrique

tout en ouvrant un portail pour l’Asie et l’Europe. De 2000 à 2013, le tonnage des marchandises de la catégorie long-courrier a connu un taux d’accroissement annuel moyen de 103,23 %. Cette évolution positive s’explique en majeure partie par le rôle prépondérant assuré par le port de Toamasina au niveau de l’océan Indien en matière de feedering, point stratégique de transbordement.

Quels sont les problèmes majeurs qui touchent ce secteur ?
Malheureusement, nous avons pas mal de soucis au niveau des infrastructures portuaires. Parmi les 17 ports existants, seuls quatre – Antsiranana, Toliara, Toamasina et Vohémar – possèdent des infrastructures qui peuvent effectuer des opérations de chargement et de déchargement des marchandises à fort tonnage. Grâce à l’Agence japonaise de coopération internationale, un financement à hauteur de 400 millions de dollars (1,336 milliard d’ariary) sera dédié à l’extension du port de Toamasina dès cette année.

Terminons avec le réseau aérien. Pourquoi la compagnie nationale d’aviation n’arrive pas à se redresser ?
Comme dans toutes les compagnies, il y a toujours des hauts et des bas. Cela est surtout dû au fait que Madagascar a été inscrit jusqu’en 2016 dans l’annexe B avec interdiction de desserte des pays de l’Union européenne Quoi qu’il en soit, on est en train de trouver des partenaires stratégiques pour remettre à niveau Air Madagascar.

Pourquoi cette redevance de 38 euros (136 000 ariary) que chaque passager doit acquitter en vue de construire les deux nouveaux aéroports. C’est lourd pour un Malgache !
C’est une mesure tout à fait normale pour développer les infrastructures aéroportuaires. On procède comme cela partout dans le monde. Il faudrait que les Malgaches comprennent qu’il faut passer par là pour se développer. On attend actuellement la décision du conseil pour appliquer la mesure.

Quelle est la meilleure stratégie à long terme pour développer le réseau aérien malgache ?
Nous allons mettre en place une lettre de politique du transport aérien.Cela permettra de mieux coordonner la libéralisation du secteur aérien dont la politique de l’open sky, l’ouverture aux autres opérateurs aériens. D’ailleurs, c’est tout le secteur du transport à Madagascar qui est à discipliner.

Propos recueillis par #PriscaRananjarison

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