Abus de zébus
11 août 2015 - Cultures Fanahy gasyNo Comment   //   1969 Views   //   N°: 67

« Mpiandry omby volavita tsy tompony fa mpamerin doha » se traduit littéralement par « gardien de zébus n’est pas propriétaire, il a des comptes à rendre » ou plus simplement « garder n’est pas posséder ». Un dicton en totale résonance avec la culture « ombyesque » traditionnelle. 

Inutile de rappeler la place qu’occupe le zébu (omby) dans la tradition de bien des régions de Madagascar, notamment dans le Sud. Pourvoyeur de nourriture, il est un animal quasiment sacré. Plus on en possède plus le prestige social s’en trouve renforcé. Bien des Malgaches, dans certaines contrées profondes du pays, ne possèdent pas d’argent, leur unique richesse est le nombre de zébus qu’ils possèdent. Chez les anciens Bara, par exemple, on ne pouvait prendre femme sans avoir au préalable volé des zébus, un signe de bravoure et d’héroïsme. Dans cette ethnie du Sud, on est peu de chose socialement si on n’en possède pas ou pas assez aux yeux des autres. L’engouement pour les zébus est à l’origine du phénomène des dahalo, ces « bandits de grands chemins » plus sûrement armés de kalachnikov aujourd’hui que de lances, et plus enclins à charger les taxis-brousses que les troupeaux de zébus.
 

Cette place privilégiée du zébu dans la culture traditionnelle a donné lieu à bien des dictons, dont celui-ci qui nous intéresse aujourd’hui. Il s’agit d’un bouvier à qui un riche propriétaire a confié la garde et l’élevage de ses zébus. Il est si peu présent que les villageois ont même oublié son existence et croient que le brave bouvier est le propriétaire du cheptel. Ce qui fait bien des envieux, cela va sans dire. Et beaucoup d’ennuis quand il y a de la rivalité et du prestige social dans l’air. Honnête et modeste, le bouvier a beau répéter qu’il n’est qu’un simple gardien et que lui aussi a des comptes à rendre, personne ne le croit. Bref, une façon de dire qu’il ne faut pas se fier aux apparences et que tant qu’à faire, mieux vaut mieux parler au bon Dieu qu’à ses saints – au proprio qu’au pauvre bouvier.

En approfondissant encore ce dicton, on peut en tirer d’autres messages intéressants. Notamment ne pas trop s’attacher aux biens matériels qui, en dernière instance, ne nous appartiennent pas. Ou encore que biens confiés ne signifient pas propriété – à laisser à la méditation des politiques et démocrates de tous bords. Avez-vous saisi la nuance ? En tout cas, ne jamais oublier d’agir comme le brave bouvier… avec détachement et honnêteté !

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